La création de la route des Nations est le point de départ d’une vaste mutation de tout le secteur. Ouvrage central de ces nouvelles connexions, un pont haubané entièrement métallique enjambe l’autoroute. Son mât de 37 mètres promet de devenir la nouvelle porte d’entrée de la ville.

Jeudi 25 mars, 18 h 30, lentement un tronçon pont de 650 tonnes avance au-dessus des centaines de véhicules qui remplissent les voies de l’autoroute A1 à la hauteur de l’aéroport. C’est la quatrième étape de lancement d’un ouvrage majeur qui marquera l’entrée en ville de Genève. Ouvrage phare du chantier de la JAG (Jonction Autoroutière du Grand-Saconnex), il est le premier pont routier haubané du canton de Genève.

La fonction première du pont est de relier la route de Nations au tunnel de Ferney-Voltaire. Le projet, cantonal à ses débuts, a pris une autre dimension lorsqu’en 2008 l’OFROU prend en main la gestion du réseau autoroutier au niveau national. L’élargissement de l’autoroute pour intégrer une troisième voie et la réflexion plus globale de gérer les goulets d’étranglement donnent une importance nouvelle à toutes les interventions prévues dans le secteur. Le choix du pont haubané répond aussi à la récente exigence émise par l’OFROU de n’intégrer aucun appui dans les terre-pleins centraux.

Conçu par le bureau T Ingénierie SA (www.t-ingenierie.com) et construit par Sottas SA (sous-traitant pour la structure métallique du groupement 4J for JAG), le pont repose, côté lac, sur des appareils d’appui permettant à l’ouvrage de se dilater librement en fonction de la température.

Le concept du pont haubané prend en compte de nombreux paramètres liés aux exigences légales, aux souhaits du maître d’ouvrage et aux contraintes du site. Face au manque de hauteur disponible dû à la route de Ferney et à l’autoroute sous-jacente dont les profils ne peuvent être modifiés, il a fallu réduire l’épais- seur du tablier à son minimum. Le système d’haubanage permet de limiter cette épaisseur de tablier à 1,50 mètres pour 80 mètres de portée, soit environ deux fois moins que celle d’un pont standard non suspendu.

Le surcoût lié à l’utilisation d’un tablier orthotrope est directement compensé par les économies réalisées sur d’autres éléments structurels tels que les fondations et la section du pylône ou encore la quantité d’acier dans les haubans. Une solution mixte acier-béton n’aurait pas apporté de gain financier, mais se serait par contre révélée beaucoup plus lourde et donc plus contraignante pour tous les autres éléments constitutifs de l’ouvrage.

PRÊT AU LANCEMENT

Les éléments du tablier sont fabriqués dans les ateliers de Sottas, à Bulle, puis acheminés sur le site. C’est sur une plateforme de montage, à l’avant de la culée côté Jura, que les éléments sont assemblés. L’opération de soudage sur site constitue un vrai défi en termes de gestion et de ressources. Un contrôleur interne s’assure de la qualité et de la sécurité à tous les stades d’avancement. En effet, un pont à tablier orthotrope, c’est-à-dire composé uniquement de tôles raidies en acier, est plus sensible aux effets thermiques et aux déformations locales contrairement à un pont mixte avec une dalle en béton armé. Cependant, la dalle orthotrope est comparativement beaucoup plus légère et autorise ainsi des portées bien supérieures, ou un meilleur ratio capacité portante/poids. La plateforme occupe huit soudeurs en permanence. Il faut compter environ cinq semaines de travail pour réaliser un tronçon de douze mètres de long. En tout, ce sont sept tronçons mis bout à bout qui permettent d’atteindre les 80 mètres de longueur du pont. L’assemblage des tronçons est suivi du lancement. Les tronçons sont installés sur des lignes d’appui revêtues de plaques en téflon qui permettent le glissement du pont. Un système de vérins hydrauliques se charge de tirer le tablier. Cette opération se déroule à une vitesse effective de huit à dix mètres à l’heure, supervisée par le chef des opérations Sottas et toute une équipe de monteurs et de spécialistes de vérinage. Le lancement du pont du Grand-Saconnex s’est fait en quatre étapes réparties sur environ cinq mois.

La première phase s’est arrêtée encore avant l’autoroute. La deuxième phase a atteint le milieu des deux voies d’autoroute. La troisième phase a franchi la deuxième moitié d’autoroute et enfin, la quatrième voit le tablier du pont finalisé de bout en bout.

Le mât, fabriqué en deux éléments, a été dressé et mis en place le 17 mai à l’aide de grues pour culminer à quelque 40 mètres de haut. L’installation et la mise en tension des haubans se fera dans la foulée. Plusieurs phases de mise en tension des câbles seront nécessaires. L’application d’un matériau d’étanchéité sur la tôle supérieure du tablier, ainsi que la pose du revêtement marqueront la fin de l’ouvrage.

L’avantage de la construction par étapes de lancement est de concentrer l’assemblage de la structure sur une zone relativement réduite, en dehors des contraintes topographiques ou en l’occurrence de circulation. Elle permet de limiter au minimum l’impact des travaux sur le trafic et la gestion de l’autoroute. Un grutage aurait nécessité des moyens très exceptionnels aux vu des dimensions des tronçons et aurait été complexifié par la présence de la ligne HT 220kV côté Lac.

L’ensemble des travaux comprend la création de nouvelles sorties et liaisons qui doivent permettre la mise en conformité de la jonction, l’anticipation de l’aménagement de la troisième voie et assurer la liaison vers la nouvelle route des Nations, ainsi que la fluidité du trafic et la sécurité des usagers. La mise en service du pont est prévue pour l’automne 2021, alors que le projet global se poursuit jusqu’en 2023.