La majorité des apprenti-e-s de Suisse sont formés dans des PME. En raison de la pression du temps, d’une charge de travail élevée et de ressources plus limitées que dans les grandes entreprises, il est difficile d’apporter un soutien adéquat aux apprenti-e-s et d’innover dans la formation professionnelle. En Romandie, les jeunes qui choisissent l’apprentissage sont proportionnellement moins nombreux qu’en Suisse alémanique, l’influence culturelle gymnasiale étant plus marquée. Une récente étude de l’IFFP (Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle) fait le point sur plusieurs pratiques innovantes qui se sont implantées en Suisse romande.

L’Office fédéral de la statistique (OFS 2020) indique qu’au niveau national, 67,7 % des jeunes choisissent la formation professionnelle initiale après avoir achevé leur scolarité. Un succès indéniable pour la formation duale et une formule d’apprentissage que nous nous plaisons à vanter à l’international. L’attrait pour l’apprentissage diverge cependant entre les régions suisses: en Romandie, à peine plus de la moitié (56,3 %) des élèves achevant la scolarité obligatoire s’orientent vers la FPI; à Genève, seul un tiers des jeunes optent pour l’apprentissage, alors que dans les cantons primitifs de Suisse alémanique, ce taux dépasse 80 %. Les entreprises alémaniques ont tendance à former plus d’apprenti-e-s que les romandes.

La quasi-totalité des entreprises suisses entre dans la catégorie des PME (>250 employés) et parmi elles, près de 90 % sont des microentreprises (>10 employés).

Si les avantages de former un-e apprenti-e sont multiples et bien connus (assurer la relève, culture d’entreprise, innovation, réputation, rôle social, etc.), cela reste pour beaucoup un défi. La formation impose une bonne organisation et de l’encadrement tant pour l’apprenti-e que pour la personne formatrice. Selon les secteurs et l’activité même des entreprises, certaines ne sont en outre pas en mesure de montrer toutes les facettes du métier, l’école professionnelle et les cours interentreprises ne compensant que partielle- ment cette faille.

CRÉATION DE RÉSEAUX

La formation professionnelle en Suisse se transforme. La transmission des compétences transversales et la demande croissante de formation préalable des apprenti-e-s et des professionnels indépendants conduisent non seulement à de nouvelles formes d’enseignement et à une nouvelle culture de l’apprentissage sur le lieu de travail, mais peuvent aussi nécessiter de nouvelles structures scolaires. Si les conditions de l’orientation et de l’enseignement professionnels doivent être améliorées, les mesures compensatoires peuvent être considérées comme innovantes. Il peut s’agir de la création de réseaux d’information, de l’offre d’une première expérience professionnelle ou encore d’un placement dans un emploi. Une étude sur les nouvelles cultures d’apprentissage dans la formation professionnelle s’est intéressée en particulier aux projets recourant à des approches novatrices pour répondre aux faiblesses systémiques en Suisse romande.

Le programme LIFT, par exemple, poursuit un objectif de prévention de la non-insertion et offre la possibilité aux élèves de la 9e à la 11e année de se familiariser avec le monde du travail en effectuant – sur une base volontaire – quelques heures de travail (maximum 3 h/jour selon les directives du SECO) dans différentes entreprises. Trois expériences d’environ trois mois sont donc proposées à des jeunes ayant une scolarité souvent délicate ; des réseaux entre les écoles et les entreprises sont créés par les écoles elles-mêmes, leur permettant d’avoir une certaine marge de manœuvre et de valoriser le tissu économique régional. Dans une telle configuration, ce sont souvent les apprenti-e-s en formation qui s’occupent des jeunes du programme LIFT; de plus, ces derniers augmentent leurs chances de trouver une place d’apprentissage à la fin de la scolarité obligatoire.

Les plateformes START! Job dating et Gateway one font également partie de ces mesures innovantes qui rencontrent un franc succès. Ces initiatives en faveur des futurs apprenti-e-s leur permettent de dénicher une place d’apprentissage de manière non-conventionnelle, à savoir en se présentant à des entretiens de courte durée lors de séances de Job dating ou en créant un profil avec dossier sur le site Gateway. Les deux pratiques mettent en ce sens les apprenti-e-s au centre du processus de recherche d’une place d’apprentissage et leur permettent de jouer un rôle plus actif. L’innovation est de faire rencontrer les personnes en face à face plutôt que par l’intermédiaire d’un CV, une démarche moins pertinente lorsqu’on recherche son premier emploi.

Pendant l’apprentissage, dans le canton de Vaud, les apprenti-e-s peuvent compter sur des outils appelés AppApp et CoachApp (formation-apprentis.ch/coachapp/), qui offrent des cours d’appui dans les branches professionnelles ou un accompagnement individualisé en cas de difficultés diverses. Il s’agit de mesures spécifiques au canton de Vaud qui ont été mises en place sur son impulsion et sur celle des associations économiques régionales.

Finalement, au moment de terminer leur apprentissage, les apprenti-e-s à la recherche d’un premier emploi pourront faire appel aux cafés tremplins, soit des rencontres en face à face avec des recruteurs actifs chez leurs partenaires, des sociétés de placement autorisées par la Loi fédérale sur le service de l’emploi et la location de services.

La société coopérative Démarche, qui travaille dans la requalification professionnelle, a mis en place des centres de formation où des personnes formatrices se dédient exclusivement aux apprenti-e-s, ce qui permet d’en former jusqu’à six par personne formatrice.

« L’APPRENTISSAGE DOIT ÉVOLUER »

Davantage d’implication des apprenti-e-s à tous les niveaux du processus de travail, ainsi qu’une collaboration et communication ouvertes pour faciliter les échanges entre différents échelons hiérarchiques sont autant d’éléments qui participent à des pratiques de formation novatrices. Le projet Youth for Soap vise à recycler les savons usagés des hôtels pour les donner à des associations. L’innovation? Le processus est entièrement géré par des apprenti-e-s employés de com- merce à plein temps qui collaborent avec les partenaires du projet (hôtels, milieu social, Hautes écoles spécialisées, etc.).

De telles offres contribuent à la création d’un réseau entre partenaires publics et privés, permettant une meilleure adéquation avec les besoins régionaux.

Ces mesures déchargent les PME de certaines tâches liées à la formation des apprenti-e-s, telles qu’un bon recrutement, un appui et un accompagnement lors de difficultés scolaires ou personnelles, ainsi que l’établissement de réseaux entre les différents acteurs.

La formation duale est un modèle qui fonctionne et qui a fait ses preuves. Il doit néanmoins évoluer avec les pratiques actuelles, les réels besoins des entreprises et les attentes des apprenti-e-s. Le risque de «désamour» est réel et représente une potentielle perte culturelle et économique pour notre tissu de PME.