Pénurie de main-d’oeuvre – Avec son récit sans rancœur et plein d’émotion, Massimo Lorenzi, ancien présentateur du 19:30 et actuel rédacteur en chef responsable des sports de la RTS, a mis en lumière les sombres effets collatéraux de la gestion des travailleurs étrangers saisonniers. Au début des années 60, la Suisse connaît une période de forte croissance économique. Des milliers de logements et de grandes infrastructures doivent être construits. La main-d’œuvre locale est insuffisante et c’est tout naturellement que la Suisse fait appel à des travailleurs étrangers, en particulier italiens. Le régime des saisonniers a imposé à ces hommes de ne séjourner que neuf mois par an en Suisse, le regroupement familial étant interdit. Au fil des ans, de plus en plus de femmes rejoignent leurs maris. Certaines bénéficient, elles aussi, d’un permis de travail saisonnier alors que d’autres se transforment, bien malgré elles, en résidentes clandestines. «Les enfants du placard», ces petits nés dans l’illégalité, cachés dans les appartements par peur de la délation et auxquels on imposait le silence, se sont pour la plupart intégrés. La Suisse prospère leur a finalement consenti d’exister, d’aller à l’école voire même à l’université et de prendre leur place dans la vie active. Alors que les jeunes ouvriers de l’époque nous ont aujourd’hui quittés ou sont dans leurs grands âges, le devoir de souvenir fait surface. Le régime des saisonniers est une page sombre de la politique migratoire suisse. Elle a déchiré des familles durant de longues années: obtenir un permis de séjour annuel exigeait de cumuler sept années pleines de travail (84 mois), ce qui signifiait vivre en saisonnier durant au moins 9 ans. Beaucoup laissaient leurs femmes au pays et bien des enfants ont grandi avec leurs grands-parents avant de débarquer en Suisse pour retrouver des parents qu’ils ne connaissaient pas alors qu’ils étaient déjà grands. Les autres, cachés puis pointés du doigt, ont subi la discrimination et le racisme.

La situation et les modalités sont sans doute totalement différentes aujourd’hui. Toutefois, un récent article du Temps (19 mars 2024) mettait en lumière le programme «Perspectives», financé par la Direction du développement et de la coopération (DDC) et le Secrétariat d’État aux migrations (SEM). Le programme piloté par Swisscontact, fondation pour la coopération technique créée par des représentants du secteur privé et de la société civile, permet à des Tunisiens d’acquérir une expérience professionnelle en Suisse pour une période de 18 mois maximum. Une intention louable qui permet à de jeunes professionnels de faire une première expérience internationale, puis de « diffuser le savoir-faire et le savoir- être suisse en Tunisie», selon les mots d’Ahmed Messaoudi, directeur général du Service de placement à l’étranger au Ministère de l’emploi et de la formation professionnelle.

Depuis 2014, seuls 172 Tunisiens ont profité de ce programme. Mais le projet prend aujourd’hui de l’ampleur et «200 jeunes supplémentaires viendront en Suisse pour pallier les pénuries de main-d’œuvre ».

Si une première lecture du programme laisse entendre une volonté de former des professionnels afin qu’ils puissent réimporter des compétences en Tunisie, cette nouvelle tournure semble plus orientée vers les besoins des entreprises suisses et sur leur besoin de recruter de la main-d’oeuvre. « L’ hôtellerie et la gastronomie sont des marchés en tension. Les travailleurs dans le photovoltaïque sont également très recherchés», précise Marc Olivier Roux, spécialiste de l’engagement du secteur privé à Swisscontact. Pour les travaux saisonniers, dans l’agriculture comme dans le photovoltaïque, les bénéficiaires ont d’ailleurs la possibilité de fractionner leur résidence sur plusieurs années. »

La DDC annonce-t-elle, l’air de rien, le retour des saisonniers?

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