La période de confinement, le télétravail et quelques nouvelles habitudes induites ou imposées, ont forcé architectes et urbanistes à entamer de nombreuses réflexions.

Comment concevoir un logement dans lequel une famille passe ses journées entières? Comment moduler les pièces et les espaces, quelles nouvelles fonctions ajouter ? Comment concilier ces nouveaux besoins avec les carcans du marché immobilier? Quelles typologies dessiner pour les espaces de travail et mille autres questionnements possibles, du besoin d’un accès au vert au bouleversement des questions de mobilité.

Les propositions sont foison : agrandir les surfaces moyennes des logements, leur donner plus de lumière, des jardins, des balcons et des terrasses. Créer des pièces à géométries et fonctions variables ou des espaces de coworking ou costudying au pied des immeubles. Chaque quartier devrait disposer d’un accès rapide à la nature alors que l’éloignement des centres devient relatif grâce à la potentialisation du travail à domicile. La mobilité se fait plus douce, la ville ralentit et les nuisances sont réduites. Face à ces esquisses se posent des questions de gestion du territoire, d’infrastructures, de 5G et plus, de commerces et de cafés vidés de leurs clients, de surfaces de bureaux à reconvertir ou de systèmes de transports en commun à repenser. Et l’on se prend à rêver, une fois encore, de villes idéales parfaitement conçues en tout point.

Ce rêve récurrent est aussi celui à découvrir jusqu’au 23 novembre dans le Rolex Learning Center de l’EPFL. C’est là que le CDH-Culture installe une exposition dédiée à l’architecture de villes futuristes et utopiques. Les reproductions présentées sont tirées de la collection de la Maison d’Ailleurs d’Yverdon-les- Bains. Ces vues d’artistes et autres images publicitaires tirées d’anciens journaux ont été publiées dès 1880 jusqu’à la fin des années soixante. Les images véhiculent des formes et des ambiances qui, en leur temps, ont aidé à façonner notre imaginaire de l’avenir: les villes futuristes sont gigantesques, hyper- technologiques, verticales et excessivement géométriques. Les artistes semblent rêver le futur, alors même que, dans la plupart de ces représentations, l’humain est devenu minuscule, insignifiant, dépassé. La candeur de certaines représentations fait sourire, alors que d’autres nous font frémir par la ressem- blance avec des réalités de notre époque.

Ce pas en arrière nous amène à nous questionner sur nos représentations actuelles de la ville du futur et sur ce que nous pouvons entreprendre aujourd’hui déjà pour ne pas répéter les erreurs du passé. Dans le dialogue imaginaire entre Marco Polo et Kublai Kahn relaté dans le roman Les villes invisibles (1972), Italo Calvino fait dire à l’un des personnages : « Les villes comme les rêves sont faites de désirs et de peurs ».

Et, au milieu de toute ce)e culture et de ces profondes réflexions à Genève comme à Lausanne, l’on s’écharpe au sujet de quelques centaines de mètres de pistes cyclables et d’une dizaine de places de parc supprimées… 􏰁