Intelligence collective. La gestion d’un chantier, tout comme la gestion d’une entreprise, consiste avant tout à rassembler un certain nombre de personnes et de compétences autour d’un projet commun. Si le modèle traditionnel privilégie une organisation verticale avec un chef au sommet de la pyramide, de nouvelles formes de management font leur chemin aujourd’hui. Chrystel Frénois, directrice de la société World Leaders spécialisée en facilitation organisationnelle, nous parle d’intelligence collective.

Intelligence collective. On ne fait rien tout seul. C’est vrai en général, mais cela s’applique surtout au monde de l’entreprise et d’autant plus à celui de la construction. Historiquement, la figure de l’architecte est celle de l’autorité suprême sur le chantier. Provenant du grec ancien arkhitéktōn (chef des constructeurs), l’architecte connaît le projet, maîtrise les méthodes de construction et dirige les travaux d’une main de fer.

De nos jours, la complexité des projets, ainsi que les évolutions techniques et technologiques excluent cette vision totalitaire. Nous vivons à l’époque des pools, des équipes pluridisciplinaires où chaque membre amène ses compétences pour optimiser le travail du groupe.

Si la diversité est une richesse, faire collaborer plusieurs personnes est parfois une gageure. Les différences culturelles et de mentalité, les divers parcours et points de vue mettent parfois à mal le travail d’équipe au grand dam des cadres et chefs d’entreprise qui déplorent souvent le temps et l’argent perdus à régler des conflits interpersonnels plutôt que de se concentrer sur le travail concret.

Travailler ensemble et favoriser l’intelligence collective exige un certain savoir-faire. Nous en parlons avec Chrystel Frénois, facilitatrice organisationnelle au sein de World Leaders basée à Meyrin et présente dans les principales villes romandes.

Comment définissez-vous l’intelligence collective ?

L’intelligence collective est un système dans lequel chaque individu trouve un bénéfice à collaborer permettant ainsi d’améliorer la productivité, l’efficience, la performance ou encore la dynamique d’équipe. Avec un encadrement adéquat, il est impressionnant de voir à quel point l’intelligence collective est performante !

Le monde de la construction est relativement hiérarchisé, directif et complexe. Est-ce réaliste de vouloir inclure encore plus d’interlocuteurs dans le processus décisionnel ?

L’objectif de l’intelligence collective est d’ap- porter une vision plus réaliste du contexte, des problématiques et difficultés aux respon- sables. Il n’est pas vraiment question d’in- clure plus d’interlocuteurs dans le processus décisionnel.

Qu’est-ce qui peut convaincre un «patron» d’entreprise à revoir sa méthode de gouvernance et comment l’accompagnez-vous dans une telle démarche ?

Par expérience, grâce au travail collaboratif mis en place, le «patron» peut décider des actions à entreprendre avec une vision globale terrain, et ainsi gagner du temps, voire de l’argent sur les résultats finaux. Par conséquent, il obtiendra une meilleure efficacité, une plus grande motivation et donc des équipes performantes.

Les statistiques parlent d’elles-mêmes : lorsque le manager mobilise les forces de ses collaborateurs, la performance de l’entreprise augmente jusqu’à 37 % alors qu’à l’inverse, quand il travaille sur les faiblesses, la perfor- mance peut chuter jusqu’à 27%. La construction est un parfait exemple, car finalement, un chantier c’est tous ensemble !

Comment impliquer les collaborateurs à tous les niveaux sans leur donner l’impression d’augmenter leur charge de travail ?

La plupart du temps, leur implication se fait naturellement puisque ce sont les expériences de chaque collaborateur qui sont prises en compte. Rapidement, ils réalisent qu’en adaptant leur manière de collaborer, les résultats de leurs actions sont plus efficaces et leur motivation est plus élevée. Il n’y a pas nécessairement d’impact sur la charge de travail mais plutôt une approche différente dans la manière de travailler en équipe, où chacun apporte sa contribution. La notion du «collectif » prend toute sa dimension.

En matière d’approche, y a-t-il des différences entre une grande société et une PME familiale ?

Nous adaptons l’approche aux besoins spécifiques de l’entreprise. Il est cependant certain que dans le cadre d’une grande structure, nous animons des ateliers inter-départements ou entre les sites. L’objectif est que chacun puisse comprendre son type de fonctionnement, celui de ses collègues et celui des parties prenantes afin d’améliorer le «travailler ensemble » en intégrant les forces de chacun.

L’intelligence collective s’applique aux entreprises de toute dimension et de tout type, de l’indépendant à la multinationale, en passant par les administrations publiques.

 

Pouvez-vous nous citer un exemple concret? Un changement d’organigramme, une nouvelle vision insufflée au sein d’une société ?

Oui, avec plaisir. Nous avons, par exemple, travaillé avec une grande entreprise de 11000 salariés avec pour mission de permettre à deux usines de 400 employés chacune, situées dans deux pays de cultures différentes, d’apprendre à mieux collaborer ensemble.

Bien qu’elles appartiennent au même groupe, les deux usines travaillaient pour des clients communs sans échange de connaissances et de savoir-faire.

Un travail en intelligence collective des équipes techniques, de production et du comité de direction, associé à un mentorat aux employés impliqués dans le processus décisionnel ont permis d’analyser dans un premier temps les besoins inhérents à chaque entité, puis de mutualiser les compétences et spécificités de chacune des usines.

Parmi les bénéfices directs, citons notamment une nette amélioration de la profitabilité des usines grâce à :

  • une réorganisation des postes en fonction des compétences et talents des employés,
  • la mise en place de coordinateurs permettant une centralisation des informations et une meilleure gestion de la communication,
  • un impact positif sur la motivation et l’implication des équipes,
  • une amélioration considérable de la qualité des produits,
  • un planning de production optimisé et plus réactif en fonction des besoins des clients.

Cette démarche requiert-elle un investissement initial et un suivi à moyen et long terme ? Effectivement, il y a un temps de mise en place pour nous permettre de réaliser le travail initial de compréhension des problématiques ou améliorations que l’entreprise souhaite apporter. Pour le suivi à moyen terme, nous proposons selon les cas un service de mentorat mensuel et pour le suivi à long terme des ateliers collectifs annuels ou bisannuels pour valider et corriger ce qui a été mis en place initialement et ainsi consolider la démarche.

Les vieilles habitudes ont souvent tendance à ressurgir. Comment éviter cet effet d’inertie ?

Merci de poser la question. Justement, c’est la raison d’être du mentorat évoqué précédemment. Il permet aux interlocuteurs décisionnaires d’exprimer leurs difficultés à maintenir ce qui a été mis en place et d’opérer des ajustements, le cas échéant.

Quant aux ateliers annuels, ils permettent au collectif de prendre conscience de l’évolution et des bienfaits acquis et ainsi d’apporter de nouvelles propositions pour maintenir une démarche proactive.

Un autre outil utile, que nous déployons chez certains clients, est de travailler sur la culture d’entreprise en identifiant comment elle est vécue au quotidien. Elle impacte trop souvent la motivation et la compétitivité. En effet, plus les employés adhèrent aux valeurs, à la vision de l’entreprise et au management, plus ils sont engagés, fédérés et donc productifs.

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