édito
Massimo Simone, rédacteur en chef

Lents et contents _ Le 15 novembre dernier, le président américain Joe Biden a signé un projet de loi sur les infrastructures d’un montant de 1200 milliards de dollars, le plus élevé depuis plus de 25 ans. Cette somme sera d’abord investie dans les routes, les ports, les lignes électriques, le développement de l’internet à haut débit et le remplacement de conduites d’eau. Soulignant l’importance de l’acte, Joe Biden a déclaré que les historiens considéreront cet instant comme étant «le moment où l’Amérique a commencé à gagner la compétition du 21e siècle». Autrement dit, les infrastructures font office d’arme de guerre face à la Chine et au reste du monde.

L’attitude était bien différente à Berne à l’orée des fêtes lorsque le Conseil fédéral a décrété que les pertes des CFF seraient compensées en puisant dans le Fonds d’infrastructure ferroviaire. Une décision qui «met en péril la réalisation de nombreux chantiers et projets ferroviaires dans toute la Suisse», dénonce le lobby OuestRail dans son communiqué. Son président, le conseiller aux États PLR Olivier Français, a immédiatement déposé une motion qui demande un financement extraordinaire pour éponger les pertes des CFF. Alors que l’économie a bénéficié d’un fort soutien durant cette période, les services publics ont dû faire face à la situation quasiment sans aide. Il semblerait donc logique de mettre les pertes de ces dernières années au bilan du coronavirus et non pas à celui des CFF.

Freiner les grands projets d’infrastructures ferroviaires serait une grave erreur, en particulier en Suisse romande où les investissements prévus pour ces vingt prochaines années ne répondent qu’à un besoin de rattrapage. Dans sa communication de décembre, le Conseil fédéral ajoute pourtant sans sourciller que «compte tenu de son volume important et de sa complexité, l’étape d’aménagement 2035 risque de ne pas être réalisée dans les délais prévus». Une approche aberrante dans un contexte global de lutte contre le réchauffement climatique et de soutien à l’économie.

Pour l’heure, le futur de ces projets est flou. Les services de la Confédération veillent à ce que l’argent puisé dans le Fonds soit «entièrement compensé», mais nul ne sait comment. Il en va de même du détail des projets tronqués par ce coup de frein brutal.

A Lausanne, le développement des transports publics ne connaît en revanche pas de tels soubresauts. Lors d’une séance aussi importante que détendue le 25 janvier dernier, les députés ont soutenu unanimement la construction du M3 et la potentialisation du M2. Le crédit de 320 millions alloué permettra la poursuite des études et le début des travaux de génie civil. D’ici une petite dizaine d’années, la population lausannoise bénéficiera donc d’un nouveau métro entre la gare et la Blécherette, ainsi que d’un deuxième tube entre le Flon et la gare. En commentant ces développements positifs tout en regrettant les retards des projets CFF, le député PLR Stéphane Rezso a déclaré: «Nous sommes lents pour réaliser nos projets, mais une fois qu’ils sont faits, nous sommes contents». Alors que le monde se prépare à la guerre, espérons que cette sereine suissitude puisse nous accompagner encore longtemps.

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