Devenez maçon! – Les chiffres sont désormais clairs : selon une étude du Forum économique mondial, 41 % des employeurs envisagent déjà de réduire leur personnel pour favoriser l’automatisation et l’intelligence artificielle. Les exemples se multiplient. Walmart, par exemple, a annoncé la suppression de 1500 emplois pour « simplifier ses opérations », tandis que la société de cybersécurité CrowdStrike a supprimé 500 postes, citant l’IA comme moteur de cette transformation.
Devenez maçon! – Selon le rapport du WEF, la tendance s’accélère : d’ici cinq ans, jusqu’à 50 % des emplois juniors, dont ceux dans la programmation, la gestion de données ou le secteur administratif pourraient disparaître, entraînant une augmentation du chômage jusqu’à 20 % chez les jeunes, d’après Dario Amodei, PDG d’Anthropic.
Ce qui inquiète, c’est que ce phénomène concerne surtout les jeunes diplômés, qui voient leurs chances d’intégrer le marché du travail se raréfier. Aux États-Unis, le taux de chômage des jeunes diplômés s’élève à 5,8 % – une hausse significative depuis l’année dernière. En Europe, la situation est encore plus préoccupante : selon certaines sources, les embauches dans la tech européenne ont chuté de 73,4 % depuis 2024, principalement dans les postes de début de carrière. Les investissements en recrutement dans ces métiers diminuent, remplacés par l’adoption de l’IA, qui permet aux entreprises de réduire leurs coûts au détriment de l’emploi.
Depuis la révolution industrielle du XIXe siècle, on espérait que la mécanisation libérerait l’homme des tâches pénibles et répétitives pour se concentrer sur des activités plus créatives. Aujourd’hui, cette vision s’inverse avec l’IA : ce sont les métiers de l’esprit – programmation, gestion et administration – qui sont menacés. Des systèmes capables d’écrire du code ou d’analyser des données surpassent parfois l’humain. Ceux qui jugeaient leur emploi sûr découvrent que leur travail, même hautement qualifié, peut aussi disparaître face aux machines.
Au regard de cette mutation silencieuse et de l’absence de perspectives pour une frange importante de la jeunesse, les métiers de la construction peuvent offrir une voie et un sens. Bâtir, rénover, réhabiliter nos habitats continuent d’être une nécessité. La construction durable, la rénovation énergétique ou l’aménagement urbain créent chaque année des milliers d’emplois.
En Suisse, le secteur du bâtiment et du génie civil emploie par exemple quelque 330 000 collaborateurs et 25 000 apprentis dans plus de 50 métiers. À ceux-ci s’ajoutent les plus de 16 000 architectes et ingénieurs.
Contrairement aux métiers purement numériques, l’art de construire repose sur une expertise manuelle, une expérience terrain difficile à automatiser à 100 % à court terme. En intégrant intelligemment les nouvelles technologies – la domotique, la construction écologique, la préfabrication – le secteur peut moderniser ses pratiques, tout en conservant sa dimension humaine.
Lorsque j’étais apprenti dessinateur en bâtiment, mes camarades et moi étions convoqués une fois par année, pour des semaines de travaux pratiques. Entre une tentative de construction de mur en briques apparentes et une bataille de crépis, il nous arrivait de croiser M. Christen, le légendaire doyen de l’école de la construction : « Dessinateur ? Devenez maçon ! », nous disait-il à chaque fois. Et s’il avait eu raison ?
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