Walkable city – La densification urbaine est au cœur des préoccupations des professionnels : enjeu climatique, pression foncière, qualité de vie et réorganisation des usages imposent de repenser la ville pour la rendre plus efficace, socialement prospère et praticable à pied, en vélo ou en transports publics. Entre techniques constructives bas carbone, mixité fonctionnelle et participation citoyenne, la question est de savoir comment densifier sans sacrifier la vitalité urbaine ni la résilience climatique.
Walkable city Les villes sont définies comme des zones géographiques densément peuplées caractérisées par un développement urbain. Elles servent de centres économiques, politiques et culturels, offrant divers services, infrastructures et opportunités. Cependant, la densification urbaine est également associée à des aspects négatifs tels que des problèmes de santé, la pollution et des problèmes sociaux. Des pays comme l’Inde et la Chine, dont les populations dépassent le milliard, font face à une demande importante en services et logements.
Des recherches récentes, menées notamment par des institutions comme le Berkeley Cool Climate Network, ont provoqué un changement de paradigme dans la perception de la densification urbaine (walkable city). Celui-ci vise à réduire l’empreinte carbone des villes et à soutenir les efforts collaboratifs pour atteindre les objectifs de développement durable. La densification est proposée comme une stratégie cruciale pour promouvoir la prospérité sociale et le bien-être, ainsi que lutter contre le changement climatique. Toutefois, une question pertinente se pose : comment parvenir efficacement à la densification, tout en combattant ce réchauffement ?
Les efforts pour obtenir une architecture durable à empreinte carbone réduite s’appuient sur plusieurs stratégies telles que l’utilisation de matériaux à faibles émissions ou l’adoption de solutions de toiture favorisant l’intégration de la végétation. Cependant, la densification est aussi un aspect crucial du développement durable, ou du moins de l’atténuation de l’impact du bâti sur le climat. La densification urbaine est d’autant plus difficile à mettre en œuvre que la densité de nos villes a diminué au cours du XXe siècle.
« FAVORISER LES DÉPLACEMENTS À PIED »
La densité peut être comprise de différentes manières. Fondamentalement, elle implique le nombre de bâtiments dans une zone donnée. Mais on néglige souvent un concept élémentaire et peut-être plus significatif : l’intensité de l’activité humaine dans cette zone. Une rue avec peu d’immeubles mais une activité commerciale, culturelle et résidentielle soutenue peut générer une dynamique urbaine plus vertueuse qu’un grand ensemble résidentiel faiblement animé.
Les villes satellites ont émergé comme l’un des paradigmes urbains du XXe siècle, visant une répartition plus équilibrée entre population et activités urbaines. Néanmoins, cette segmentation des usages conduit à la construction de bâtiments distincts pour chaque besoin spécifique, impliquant un entretien et un approvisionnement énergétique individuels.
Ce modèle monofonctionnel a contribué à étendre les réseaux d’infrastructures et à fragmenter les parcours quotidiens, au détriment de la durabilité.
De plus, diverses politiques économiques et réglementaires ont découragé la croissance du cœur des villes, privilégiant le développement périphérique. Cette situation a entraîné une augmentation des coûts de transport, de l’usage des véhicules privés, des dépenses en infrastructures par habitant et, par conséquent, des émissions de CO2. Comprendre la densité du point de vue de l’efficacité spatiale est crucial. Pour y parvenir, les espaces et les bâtiments doivent être utilisés de façon plus consciente et plus intensive.
Cette efficacité, associée à l’utilisation de matériaux recyclés ou nouveaux comme le béton à très haute performance, peut promouvoir une nouvelle esthétique et favoriser le vivre ensemble. L’intégration de solutions constructives innovantes – ossatures légères complétées par des éléments en béton haute performance, des constructions en bois, de la terre crue, le réemploi structurel, des isolants biosourcés, des toitures végétalisées contribuant à la biodiversité urbaine – permet de réduire l’empreinte carbone tout en offrant des réponses architecturales adaptées à la densification.
A cette fin, les habitants doivent avoir une voix dans l’environnement bâti, ce qui implique de reconnaître leur importance et de les associer aux décisions touchant leur communauté.
Concevoir des solutions répondant aux besoins de conception et d’urbanisme nécessite la collaboration entre entreprises, architectes et divers acteurs – la responsabilité ne repose pas sur un seul acteur. La coopération doit permettre de produire des solutions architecturales, techniques et logistiques pour la densification, contribuant ainsi à la décarbonation de nos villes. Comprendre les problèmes auxquels nous sommes confrontés est essentiel, car une méconnaissance peut conduire à une allocation inefficace des ressources, déjà limitées à l’échelle planétaire.
Nous devons prendre davantage conscience de la manière dont nous organisons nos villes et utilisons nos ressources. L’efficacité suppose une utilisation plus intensive et réfléchie des surfaces. Par exemple, encourager la création d’espaces à usages mixtes présente de nombreux avantages : plutôt que de séparer les zones résidentielles et les zones d’emploi, la mixité des fonctions réduit les besoins de déplacement, favorise la vitalité des services locaux et optimise l’usage des infrastructures existantes.
WALKABLE CITY : ARGUMENTS POUR LA COMPACITÉ
Les villes praticables à pied ou la ville de 15 minutes, sont des concepts chers aux urbanistes. « La densification devrait être une priorité même pour ceux qui ne se soucient pas de l’environnement », a déclaré l’architecte britannique Norman Foster au World Design Congress qui s’est tenu les 9 et 10 septembre derniers à Londres. Le fondateur de Foster + Partners a déclaré aux délégués que « l’urbanisation croissante et la croissance démographique mondiale correspondront à l’équivalent de 11 nouveaux
Londres créés chaque année pendant les 25 prochaines années ! Quel type de villes devrions-nous encourager ou décourager ? Nous encourageons la ville praticable à pied, compacte et dense (walkable city). Nous décourageons l’étalement urbain et les routes s’enfonçant dans la campagne, dévorant la nature et la biodiversité. »
Les villes compactes présentent la moitié de l’empreinte carbone des villes suburbaines dépendantes de la voiture. « Même si on se fiche de la planète, a-t-il poursuivi, les walkable cities sont celles dans lesquelles la majorité veut vivre, celles qui sont les plus visitées par les touristes et celles qui sont les plus saines. » Son propos met en lumière un argument pragmatique : la compacité n’est pas seulement une posture écologique, c’est un atout socioéconomique et sanitaire.
Les villes européennes ont souvent l’avantage de s’être développées à partir d’un cœur historique dense. Peu à peu, les voitures sont chassées des centres, leur restituant la sérénité et l’harmonie qu’elles avaient perdues. Dans certains cas, les centres historiques sont marginalisés et ce n’est plus là que pulse la ville.
Connecter et valoriser les anciens centres avec les nouveaux est l’un des défis. Alors que des liens naturels ont été brisés – par des routes, des voies de chemin de fer ou des architectures empêchant les flux – des efforts sont faits aujourd’hui pour recréer du lien.
Cela passe par la création de voies de mobilité douce arborisées, de passerelles, de nouvelles places et aussi par la piétonisation de larges secteurs de la ville.
En Suisse romande comme ailleurs, densification et piétonisation rencontrent souvent des réticences des habitants et des commerçants. Les bienfaits de ces mesures sont pourtant globalement reconnus : amélioration de la qualité de l’air, baisse du bruit, augmentation à terme de la vie commerciale locale et renforcement du lien social. Les résistances proviennent parfois d’enjeux politiques, économiques ou d’habitudes de mobilité profondément ancrées.
VERS UNE DENSIFICATION MAÎTRISÉE
La densification doit être maîtrisée et concertée : mixité des usages, marche et mobilité douce, ainsi que recours à des solutions constructives bas carbone forment le trio central. Sa réussite dépend de la gouvernance collaborative (investisseurs, habitants, professionnels et pouvoirs publics) et d’une vision intégrée qui concilie qualité de vie, performance environnementale et attractivité urbaine.
En pratique, l’enjeu est de planifier la compacité de façon à favoriser les déplacements à pied, encourager la multifonctionnalité des espaces et intégrer des choix constructifs bas carbone pour réduire l’empreinte des projets. C’est une opportunité pour le secteur de la construction d’apporter des réponses techniques et sociales concrètes afin de rendre les villes plus durables, résilientes et attrayantes.
Walkable cities s’inscrit dans le même esprit que le concept de ville de 15 minutes.
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