Avec ses deux ponts parallèles de 1250 m et ses bretelles, le viaduc de Riddes atteint près de 3300m de longueur développée, ce qui en fait l’un des ponts les plus longs du canton du Valais. Après une grande opération de réfection, il vient de rouvrir au trafic des poids lourds.

Mis en service au milieu des années 1970, le viaduc de Riddes traverse la vallée du Rhône en franchissant la ligne CFF du Simplon, l’autoroute N09 et le Rhône. Dans les années 1990, d’importants travaux d’entretien mènent au remplacement des bordures, de l’étanchéité, du revêtement et des joints de chaussée. Cette intervention permettra à l’ouvrage d’assurer le service pendant trois décennies. Le viaduc appartient conjointement à l’OFROU et au canton du Valais, qui ont mandaté en 2018 le bureau Ingphi pour réaliser la mise en conformité parasismique de l’ouvrage dans le cadre du projet d’entretien EP Martigny & Environs.

Le viaduc est un pont à caissons à travées multiples, séparé en huit tronçons par des joints de chaussée. Les travées types ont une portée comprise entre 24 et 28 m. Le franchissement de la N09 est réalisé à l’aide d’un caisson de même hauteur que les travées standards pour une portée augmentée à 40 m. Le franchissement du Rhône (portée 53 m) est réalisé avec un caisson à hauteur variable qui se prolonge sur les travées adjacentes au-dessus des berges. Le tablier du viaduc principal (largeur totale de 19,60 m) est constitué de deux caissons en béton armé et précontraint d’une hauteur constante de 1,45 m, qui accueillent chacun deux voies de circulation. Le tablier des bretelles est également un caisson (largeur 8,45 m). Les 132 piles de l’ouvrage sont de forme hexagonale avec une hauteur comprise entre 5 et 10 m Chaque pile s’appuie sur un pieu barrette d’environ 10 m de profondeur.

L’examen de l’ouvrage met en évidence de nombreuses dégradations. Éclats de béton, traces de corrosion d’armature et venues d’eau sont constatées à l’intérieur des caissons.

Viaduc de Riddes Viaduc de Riddes

Des fissures au droit du tracé des câbles de précontrainte sont également visibles. Des sondages permettent de vérifier le niveau de corrosion des aciers de précontrainte, ainsi que la qualité physique et chimique du coulis d’injection. Des analyses microscopiques et mécaniques du béton sont également réalisées afin de déterminer le niveau de développement de la réaction alcalis-granulats (RAG). Le rapport est sans appel, certains câbles de précontrainte sont attaqués par la corrosion, sectionnés ou détendus, sans parler des venues d’eau contaminées par des chlorures qui s’écoulent le long de l’acier. Le béton est localement délaminé avec des armatures fortement corrodées au niveau de la dalle de roulement et de la dalle inférieure, tandis que des fissures relevées dans certains caissons restent inexpliquées.

La développement de la RAG est défini pathologique et exceptionnel sur l’ensemble de l’ouvrage, de la dalle de roulement aux fondations.

La déficience statique et structurelle (perte de câbles de précontrainte, corrosion, réduction des sections d’acier, développement avancé de la RAG, insuffisances partielles de résistance à la flexion et à l’effort tranchant, etc.) a conduit à interdire l’accès au trafic lourd de plus de 3,5 t dès juillet 2019. Certaines parties du viaduc sont catégorisées dans la classe d’état 4 (mauvais: dommages importants sans incidence sur la sécurité structurale ou sur la sécurité routière, mais nécessitant une mesure à moyen terme). Quelque 16 000 ouvrages d’art sont surveillés par l’OFROU (la liste va des murs de soutènement de moindre importance aux plus grands ponts existants sur le réseau). Selon le dernier rapport sur l’état du réseau des routes nationales (2020), seul 1% de ces ouvrages entre dans la classe d’état 4, et aucun dans la 5. La situation mise en évidence sur le viaduc de Riddes peut donc être qualifiée d’exceptionnelle.

SURCOUCHE

D’importants travaux de renforcement et de réfection sont entrepris. Les tabliers sont renforcés et étanchés par la mise en place d’une couche de composite cimentaire fibré ultra-performant (CFUP), armé de 50 mm d’épaisseur sur l’ensemble de la dalle de roulement.

Viaduc de Riddes

Un CFUP de classe UB-C120 selon le cahier technique SIA 2052 Béton fibré ultra-performant (BFUP) – Matériaux, dimensionnement et exécution (2016) est utilisé pour ce renforcement. Après fraisage, ainsi que dégrappage du revêtement et de l’étanchéité, la surface totale de la dalle de roulement est hydrodémolie sur une épaisseur de 20 mm afin de retirer le béton endommagé et créer une surface suffisamment rugueuse pour la liaison du CFUP. À proximité des bordures, des saignées sont réalisées afin d’accrocher la couche de CFUP aux armatures existantes.

L’ensemble du système d’évacuation des eaux de chaussée et des revêtements est également reconstruit. Sur le viaduc et les bretelles, un asphalte coulé (MA) d’une épaisseur moyenne de 80 mm est mis en place directement sur la couche de CFUP sans enduit d’accrochage après un traitement préalable de la surface par jets d’eau à très haute pression.

Les dalles inférieures des caissons, fortement dégradées, ont été remises en état au moyen d’une couche de CFUP armé d’une épaisseur de 60 mm. Ces réparations sont nécessaires pour reconstituer les sections indispensables à l’équilibre des efforts de flexion, en particulier avec un renforcement de la dalle supérieure des zones d’appui. Le CFUP, posé à la main, est acheminé par des trappes et des carottages réalisées dans la dalle de roulement.

Les travées de rive des bretelles sont renforcées longitudinalement pour une meilleure résistance à la flexion. La résistance en travée est augmentée par des lamelles de polymère renforcé de fibres de carbone (PRFC), collées en sous-face de la dalle inférieure. Pour trois zones particulières, une précontrainte extérieure additionnelle est mise en œuvre pour compenser les pertes des câbles corrodés à l’aide d’un câble de sept torons suivant un tracé trapézoïdal à l’intérieur du caisson.

Les travaux principaux se sont déroulés en moins d’une année, permettant de rouvrir le viaduc au trafic lourd en décembre 2021. L’exploitation du viaduc est désormais conditionnée par la mise en place d’une surveillance spécifique et d’un monitoring afin de gérer les risques résiduels. Le coût des travaux s’élève à 25 millions de francs.

Viaduc de Riddes

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