La date de mise en service du CEVA approche. Le 15 décembre 2019 la connexion du réseau Léman Express sera effective. La gare des Eaux-Vives est l’un des éléments marquant du projet. Son aménagement donne vie à la transformation de toute une portion de la ville.

Imaginez le voyage! Imaginez le train qui court rapide, en souterrain, seize kilomètres, un tunnel, un pont, du béton, du métal, puis une tranchée, un viaduc, des arbres, un fleuve, un coup d’oeil sur la ville, rapide, un autre tunnel, plus long celui-ci et toujours la vitesse, le confort. Imaginez le train qui court rapide, et au-dessus la ville, les gens, les voitures, les palpitations et la beauté de la ville. Les croisements, les embouteillages, les feux rouges. Chercher une place de parc, refaire le tour du quartier, chercher encore. Et en dessous, le train court, rapide, sans obstacles. Cornavin, St-Jean, La Praille, Lancy, Champel-Hôpital, Eaux-Vives, Chêne-Bourg, Annemasse. Vingt minutes. Moins de vingt minutes. Pas d’embouteillages, pas d’obstacles. Le train court rapide, presque toujours en souterrain et, ponctuellement, un flash, une lumière. Un pont vitré, comme un diamant dans la

La plus grande partie de l’infrastructure est en souterrain. Les gares et le pont sur l’Arve dessinés par Jean Nouvel signalent le passage de CEVA.

nature. Des stations, des gares, vitrées elles aussi. Des kilomètres de tunnel, du béton enfoncé jusqu’à 25 mètres sous terre et quatre gares qui plongent jusqu’aux voies, pour connecter le sous-sol avec l’extérieur. Sortir les voyageurs de la sérénité de leur tube de béton, les aspirer vers l’extérieur, vers l’air libre, la lumière. Des dalles de verre, des parois de verre. Après le béton et la terre, oui, voilà! Du verre, de la transparence, de la lumière, le ciel. Puis dans l’autre sens. Capter la lumière, la faire pénétrer jusqu’aux entrailles, la faire briller pour attirer la ville vers les gares. Aller voir qu’est-ce qui fait scintiller ces boîtes de verre et de métal, ces sculptures modernes. Architectures fonctionnelles, signées par un maître de niveau mondial, Jean Nouvel. Né dans le Lot-et-Garonne, enfant du Sud-Ouest, étudiant à Bordeaux, architecte à Paris, à Lyon, à Nîmes, à Berlin, à Tokyo, Madrid, Lucerne, Minneapolis, Copenhage, New York, Barcelone, Abou Dabi et, Genève. Imaginez le voyage!

Le planning est aujourd’hui confirmé, le CEVA, cette connexion entre le réseau Suisse et Français, entre la gare de Cornavin et la gare des Eaux-Vives, planifiée, puis oubliée, rêvée et décriée, combattue et enfin construite, sera mise en service le 15 décembre 2019. Il y a effectivement quelque chose d’épique dans l’histoire de cette infrastructure qui avait été dessinée pour la première fois il y a plus de cent ans. Relancé au début des années 2000, le projet suscite la polémique et enflamme la République. Le peuple tranche et c’est un oui retentissant qui donne le feu vert à un immense chantier, à une envie de modernité, à une vision. Le 15 novembre 2011 le premier coup de pioche est donné et tout se met en marche. Oubliées les batailles et les procédures, la réalité du terrain occupe désormais l’actualité. Les chantiers mettent la ville sans dessus dessous. Des tranchées, des tunnels, des engins impressionnants et la joie enfantine sur le visage des hommes lorsque deux portions de tunnels se rejoignent enfin. Les mineurs laissent leur place aux techniciens, l’installation des voies, les équipements techniques, le stress de la précision. Si pour certains les désagréments de surface semblent interminables, en souterrain les travaux avancent à un rythme soutenu. La réalisation du tracé est divisée en sept secteurs. En partant de la gare de Cornavin ceux-ci sont: St-Jean−Jonction, La Praille, Lancy−Bachet, Val d’Arve, Champel−Hôpital, Genève−Eaux-Vives et Trois- Chêne.

«  mise en service le 15 décembre 2019″

Les deux premiers empruntent un tronçon de voies existant qui néanmoins nécessite des adaptations dont la plus importante est la reconstruction du tablier du viaduc de la Jonction. S’y ajoutent l’adaptation des tunnels de St-Jean et de la Bâtie (ripage et abaissement des voies pour offrir le gabarit suffisant, création des chemins de fuite, gaines techniques), la modification de l’alimentation des voies (15000 V/25000 V avec commutation automatique), ainsi que la création de diverses bifurcations et de parois anti-bruit.

Le secteur de La Praille couvre l’ensemble de la zone de la gare de marchandises de La Praille ainsi que la station Lancy−Pont-Rouge (l’ancienne halte est remplacée par une nouvelle gare flambant neuve). Celle-ci aura une place centrale dans la vie du futur qui prend aujourd’hui forme autour d’elle.

De là, CEVA poursuit sa course essentiellement en souterrain suivant un tracé entièrement réalisé pour l’occasion. Le secteur Lancy−Bachet, tout d’abord, qui s’étend du siège des TPG jusqu’à l’Office cantonal des automobiles et de la navigation (OCAN) et qui comporte la construction de l’une des cinq nouvelles stations ainsi que le percement du tunnel de Pinchat. Puis vient le secteur Val d’Arve. A peine sortis du tunnel de Pinchat, les trains circuleront dans une tranchée couverte, franchiront l’Arve grâce à un
 pont et plongeront dans le tunnel de Champel qui marque le début du secteur suivant dénommé Champel−Hôpital. C’est ici que trouvera place la station la plus profonde
du réseau, logée 25 mètres sous la ville
 entre l’avenue de Miremont et le plateau de Champel. Le secteur comprend également
un tunnel de liaison piétonnier avec l’hôpital universitaire (HUG).

La réalisation du secteur Genève−Eaux-Vives, le moins étendu en longueur absolue, comporte des travaux conséquents. Il s’agit ici de construire une nouvelle gare, à 16 mètres de profondeur, ainsi que les tranchées couvertes Théodore-Weber et Frank-Thomas, le tout dans un périmètre extrêmement urbain et dense.

Le dernier secteur, dénommé Trois-Chêne, court sur près de 4 kilomètres. Il s’agit principalement ici de construire une tranchée couverte afin d’enterrer et de doubler l’ancienne ligne ferroviaire. La réalisation de ce tronçon est ponctuée par la construction de la station de Chêne. Il comporte également la création d’un passage inférieur à la hauteur du chemin de Grange-Canal ainsi que la construction d’un pont sur la Seymaz en remplacement de celui existant. C’est aussi dans ce secteur qu’est aménagée la voie verte.

Viva!
L’ancienne gare des Eaux-Vives – un édifice en bois délicatement décoré – constituait l’unique touche agréable aux yeux dans le secteur. Tout autour, des terrains plus ou moins en friche le long des voies, un vendeur d’électroménagers installé depuis des décennies dans des baraquements provisoires, des dépôts en tôle, des ateliers mécaniques de fortune et un parking sauvage. Bref, rien de très réjouissant pour les habitants du quartier et une bien triste image de la ville dans un lieu qui constitue, de fait, l’une des portes d’entrée de la cité.

Avec la construction de la nouvelle gare et les aménagements qu’elle permet, CEVA offre aux Eaux-Vives une revitalisation bienvenue. L’élément architectural est moderne et fonctionnel. Les lignes tendues, le choix des matériaux et quelques détails bien dessinés rappellent aux plus attentifs la signature du prestigieux concepteur. Le voyageur qui fait surface ici est accueilli par une vaste esplanade, piétonnière. Le quartier pulse. De nouveaux commerces et de nouveaux logements ont trouvé place sur la partie haute du site. De l’autre côté, l’animation de la façade vitrée au profil découpé de la Nouvelle Comédie de Genève attire le regard. Restaurant, théâtre, ateliers, lieux de vie, de travail, de culture et de loisirs se côtoient. Le flux du trafic court un peu plus bas sur la Route de Chêne. Un ensemble cohérent, actuel, enfin digne d’une capitale internationale.

De nouveaux commerces et de nouveaux logements ont trouvé place sur la partie haute du site. De l’autre côté, l’animation de la façade vitrée au profil découpé de la Nouvelle Comédie de Genève attire le regard

 

Concept architectural

Le Pixel

L’unité de traitement du concept architectural se concrétise par l’utilisation d’une « brique de verre » de grande dimension, constituée de plusieurs couches de verre de différentes qualités et textures.
Ce module se décline de différentes manières. Il est tour à tour panneau de façade, pan de verre, plancher, pan de mur, parement, voile, paravent, toiture, marquise, auvent, plan incliné… Mais tous ces modules ont visuellement un aspect identique. Ce « millefeuille » de verre crée une vision pixellisée à la manière d’un kaléidoscope. Ainsi, le voyageur retrouve de façon immédiate, en quelque lieu que ce soit, un repère visuel fort qui l’informe de la présence de la ligne CEVA.

La répétition et l’adaptation d’un système unique pour les gares CEVA permet de concevoir des stations à la fois familières parce que similaires à d’autres grâce à ces briques de verres, et en même temps uniques et singulières parce que différentes les unes des autres par leur configuration géométrique et spatiales.

La lumière

La lumière est un facteur essentiel du projet. La lumière naturelle est filtrée à travers les briques de verre horizontales. Elle passe des émergences (surface) aux quais (gares souterraines) et s’infiltre ainsi dans toute la gare. Cette traversée de la lumière permet d’amener de l’éclairage naturel et offre une relation visuelle directe avec l’extérieur. La lumière artificielle est implantée de manière à obtenir une diffusion proche de la lumière naturelle. La relation entre l’intérieur et l’extérieur est rendue possible grâce à l’utilisation du verre qui permet de voir des images pixellisées de la vie du dedans et du dehors.
En outre, l’accent mis sur l’apport de lumière constitue un gage de sécurité pour les voyageurs.

Dans la vision conceptuelle des Ateliers Jean Nouvel, CEVA participe à la constitution de l’identification d’un territoire. Un territoire partagé, dynamique. Le concept traduit aussi un désir de clarté, de netteté donc de la relation de la lumière à la matière, de la simplicité d’une structure qui puisse caractériser la traversée urbaine et paysagère.

La nouvelle ligne aura ses matériaux naturels et architecturaux. Les essences végétales, cèdres alignés, graminées hautes et libres, désigneront les émergences du nouveau parcours du train dans Genève. La géométrie est élémentaire, essentielle. Et l’important est ce que l’on va lire, deviner, imaginer à travers la texture du verre, qui va pixéliser, difracter, recomposer les images mouvantes des passagers des trains, mais aussi celle des affiches, des signes des projecteurs qui habitent les gares. Lumière si différente de jour et de nuit, questionnement poétique sur les départs, les arrivées, les pulsations de flots d’inconnus… Les trains passent, arrivent partent et se rythment. Ce simple constat est rendu sensible à la ville par un trait de lumière, trait rouge qui accompagne la présence d’un train, arrive avec lui, s’arrête avec lui et disparaît avec lui. Rythme qui deviendra familier et qui sera associé à une respiration.