Le One Vanderbilt à Midtown New York a été conçu en tenant compte des plus hauts critères de développement durable, mais il utilise du gaz naturel, une source énergétique dont la ville de New York décide aujourd’hui de s’éloigner. Construit en 2020 pour être un joyau environnemental, le One Vanderbilt est-il déjà dépassé?
« Il a atteint le ciel et aussi l’avenir », le bâtiment situé juste à l’ouest de Grand Central Terminal, dans le centre de Manhattan, connu sous le nom de One Vanderbilt, avait des ambitions remarquables lorsqu’il a ouvert ses portes en fin 2020. Il a été conçu dans l’optique du changement climatique, avec des caractéristiques écologiques telles qu’une centrale électrique autonome capable de produire autant d’énergies que six terrains de football de panneaux solaires. Un article paru ces jours sur le New York Times revient sur ce phénomène qui terrorise investisseurs et concepteurs. Les temps de conception et surtout d’obtention des autorisations, puis de réalisation, sont parfois si longs que le projet risque de tomber dans une obsolescence anticipée. Un problème que beaucoup rencontrent également en Suisse, notamment en matière d’évolution de labels.
Voulue par l’ancien maire de New York, Bill de Blasio dans le cadre du rezonage de Midtown-Est, menée par SL Green Realty et conçue par le bureau d’architectes Kohn Pedersen Fox Associates (kpf.com), la tour aurait dû être construite au début des années 2010. Son inauguration n’a eu lieu qu’en septembre 2020. Si quelques années de battement semblent être dans l’ordre des choses pour un bâtiment d’une telle importance, certaines évolutions techniques, économiques et géopolitiques imprévisibles risquent d’avoir un impact certain sur la performance énergétique de la tour. Les solutions proposées lors de la conception ne sont déjà plus les meilleures. Le principal pêché de la One Vanderbilt est qu’elle est chauffée au gaz naturel et que les autorités tournent désormais le dos à cette source énergétique. L’avenir énergétique de New York est au tout électrique. Les combustibles fossiles comme le gaz, malgré leur propreté par rapport aux autres combustibles fossiles, sont en voie de disparition, et rapidement.
Stop aux combustibles fossiles
En 2021, à peu près au moment de l’inauguration du One Vanderbilt, la ville a adopté une loi interdisant effectivement les combustibles fossiles dans les grands bâtiments à partir de 2024 et dans les plus petits en 2027. Cette loi était en préparation depuis un certain temps, et même lorsque le One Vanderbilt a été construit, les propriétaires savaient que les choses allaient probablement changer. Mais, même lorsque les constructeurs sont raisonnablement certains que des changements vont intervenir, ils ne peuvent pas simplement s’arrêter et attendre. Ils ne savent pas non plus comment les nouvelles lois vont évoluer. Une autre loi extrêmement conséquente, la loi locale 97, a été adoptée en 2019. Elle soumet essentiellement les bâtiments à une réduction drastique d’émissions de CO2. Cette loi s’applique aux bâtiments existants, ainsi qu’aux nouvelles constructions. Des dizaines de milliers de bâtiments bien plus petits que le One Vanderbilt vont être touchés. Pourtant, aujourd’hui encore, quatre ans après son adoption, la ville n’a toujours pas dit quelles seront les sanctions, quels seront les temps d’application et avec quelle rigueur la loi sera appliquée. Imaginez mettre en service un gratte-ciel de 3 milliards de dollars avec une telle incertitude.
One Vanderbilt est une merveille d’ingénierie. Il est surprenant de constater qu’un bâtiment aussi récent et qui a remporté divers prix en matière de durabilité soit confronté à la possibilité d’une mise à niveau à quelques années seulement de son inauguration.
La One Vanderbilt génère sa propre électricité. Quelques autres bâtiments sont équipés de ce même système qui était à la mode dans la Grande Pomme à un certain moment. Les propriétaires y voient une économie d’argent : en gros, ils peuvent brûler du gaz et obtenir à la fois de l’électricité et de l’eau chaude. Les écologistes l’apprécient car le système n’utilise pas de pétrole ou de charbon. Cela permet également aux bâtiments de compléter l’électricité qu’ils obtiennent du réseau.
New York: leader mondial de durabilité?
Le One Vanderbilt est doté d’un système qui permet de récupérer l’eau de pluie et de l’utiliser dans le bâtiment. C’est une solution connue mais encore rarement appliquée à un bâtiment de cette grandeur. Si le système n’est pas obsolète, il montre à quelle vitesse, les inquiétudes les plus vives entrent et sortent du débat public. Après l’ouragan Sandy, une grande préoccupation environnementale était la résilience. Le One Vanderbilt présente une caractéristique évidente des bâtiments construits à l’époque où cette question était la plus importante : Une grande partie de ses machines se trouve bien au-dessus du sous-sol. Le One Vanderbilt dispose également de réservoirs de rétention géants, ce qui lui permet de retenir l’eau qu’il capte sur sa propre surface et de la faire recirculer dans tout le bâtiment. Cela permet au bâtiment d’éviter de déverser les eaux de ruissellement dans les égouts, ce qui était une préoccupation majeure, non seulement après le passage de la tempête de sable, mais aussi après les tempêtes exceptionnelles de 2021. Alors que le débat sur le climat s’accélère, les inquiétudes les plus vives peuvent sembler être un combat d’hier.
A la question de savoir si SL Green Realty devra ou non remplacer les turbines à gaz qui produisent l’électricité à One Vanderbilt, personne ne peut répondre pour le moment, car personne ne sait comment va être appliquée la loi locale 97 et comment elle va évoluer. Le One Vanderbilt dispose d’installations de pointe et d’un concept complexe dans lequel tous les systèmes sont interconnectés. La façon dont ces systèmes travaillent ensemble pour répondre à l’environnement externe et s’autoréguler s’apparente aux réactions et à la vie d’une plante. Tout est finement équilibré, et remplacer le système d’alimentation pourrait tout déséquilibrer.
Dans le secteur, une autre tour est en cours de construction. Le bâtiment de JPMorgan Chase au 270 Park Avenue est conçu de manière tout à fait différente. Il n’a pas de conduite de gaz ou de vapeur et représente l’avenir tout électrique qui, selon les souhaits de la ville, devra faire de New York le leader mondial de la durabilité.