Olivier Burnier est à la tête de Fire Safety & Engineering SA, un bureau spécialisé en ingénierie incendie.

Le bureau Fire Safety & Engineering SA a été fondé en octobre dernier par Olivier Burnier et Romain Althaus avec le bureau Daniel Willi SA. Il regroupe des experts en protection et ingénierie incendie ouvrant ainsi en Suisse romande un champ d’application encore peu exploré.

Certes il y a des normes et des experts chargés d’en contrôler l’application. Pourtant, si les prescriptions de protection incendie de l’AEAI (Association des établissements cantonaux d’assurance incendie) qui sont en vigueur dans toute la Suisse constituent la base légale pour l’exécution de la protection incendie dans les bâtiments, les solutions techniques qu’ingénieurs et architectes peuvent adopter pour y répondre sont nombreuses. Les connaissances liées aux phénomènes de feu, d’embrasement, d’évacuation des personnes ou encore de sécurité des structures et de désenfumage ne sont pas à la portée de tous. L’ingénierie incendie, un domaine d’application relativement nouveau en Suisse bien que déjà bien développé au niveau international, permet d’analyser l’ensemble des exigences et d’y répondre avec une approche scientifique poussée. Nous en avons parlé avec Olivier Burnier – ingénieur civil, titulaire d’un CAS et d’un diplôme fédéral d’expert en protection incendie, ancien expert cantonal au sein de l’ECA ainsi que chargé de cours à l’EPFL – aujourd’hui à la tête de la société Fire Safety & Engineering SA.

Chantiers magazine : Quelle est la mission de Fire Safety & Engineering SA et qu’entend-on par ingénierie incendie ?

Olivier Burnier : Créé le 1er octobre 2017, le bureau Fire Safety & Engineering SA regroupe des experts en protection et ingénierie incendie, nous proposons des solutions innovantes et efficientes pour garantir la sécurité des personnes et des bâtiments, dans le respect des normes et de l’éthique. L’ingénierie incendie est une approche scientifique qui va au-delà de la simple application normative et permet, grâce par exemple à des simulations, d’optimiser les concepts de protection incendie.

CM : Qu’y a-t-il de nouveau dans cette approche ?

OB : Nous utilisons toutes les méthodes de preuve en protection incendie autorisée par l’AEAI. Il y a trois grands chapitres dans les directives de l’AEAI – les structures, le désenfumage et l’évacuation des personnes – accompagnées de leurs normes respectives. La norme dira peut-être que dans un certain local trois portes de 90 cm sont nécessaires pour l’évacuation des personnes. Une simulation basée sur les nombreuses études aujourd’hui disponibles pourrait amener la preuve qu’avec une porte légèrement plus étroite, le temps global d’évacuation reste le même. Cela peut être déterminant lors de travaux de rénovation ou lorsque l’on intervient dans des bâtiments historiques.

CM : Qu’est-ce qui a changé ces dernières années ?

OB : Au début des années 2000, il y avait déjà des définitions pour les structures et le désenfumage (simulations, etc.), mais chaque canton avait sa méthode et ses sensibilités. Depuis 2015 avec l’adoption des directives AEAI, il a été enfin possible de définir des objectifs communs et ainsi d’aller assez loin dans les calculs et la théorie. Aujourd’hui on peut utiliser des calculs de « feu réel ». Est-ce réellement nécessaire d’emballer toute la structure pour résister 60 ou 90 minutes au feu dans tel endroit, dans tel bâtiment ? Nous répondons à ce type de questions avec grande précision. Peut-être que seule la moitié de la protection initialement prévue est réellement nécessaire. Le calcul et la simulation permettront donc de réaliser de substantielles économies tout en atteignant les mêmes objectifs de sécurité.

CM : Cela passe donc par une phase de modélisation.

OB : Oui. La modélisation et l’analyse comparative sont parmi nos outils favoris. La modélisation permet d’être très précis, notamment en comparaison avec un modèle théorique basé sur un essai laboratoire antécédent. Avec la modélisation, le calcul prend en compte les matériaux et les conditions exactes du projet en question.

CM : L’étude de l’évacuation des personnes a-t-elle aussi évolué ?

OB : Oui, énormément ! Les pays anglo-saxons et nordiques sont particulièrement avancés dans ce domaine. Nous bénéficions de plusieurs dizaines d’années de recul et de développement de certaines méthodes. Tous les aspects psychologiques sont aujourd’hui beaucoup plus étudiés et pris en compte dans les modèles de simulation. Que se passe-t-il lorsqu’un incendie se déclare dans un centre commercial, dans un immeuble de bureau ou dans une salle de spectacle ? Nous sommes en mesure de modéliser avec précision tous les cas de figure. Par exemple, nous sommes en train d’affiner le concept d’évacuation des arènes de la Fête des Vignerons de 2019. Ce sont plus de 22 000 personnes qui doivent être mises en sécurité et cela va des aînés aux enfants en passant par des professionnels en plein travail, des acteurs en costumes ou des touristes ne parlant pas le français.

L’ingénierie incendie permet d’analyser l’ensemble des exigences liées aux phénomènes de feu et d’y répondre avec une approche scientifique poussée.
CM : Votre expérience au sein de l’ECA est sans doute précieuse. Qu’en est-il de la formation dans le secteur ?

OB : L’ingénierie incendie requiert un cumul de connaissances et de compétences et les deux années passées à l’ECA en font naturellement partie. Au sein du bureau nous avons actuellement un expert avec brevet, deux spécialistes et deux dessinateurs. Avec nos backgrounds en ingénierie civile et en planification de travaux nous sommes parmi les seuls en Suisse à pouvoir offrir l’ensemble des prestations en matière d’ingénierie incendie. Pour ce qui est de la formation la Suisse est en retard ! Il existe un Master européen, mais rien d’équivalent chez nous. Pour ma part j’ai complété ma formation en France, en Belgique et en Suède.

CM : Nous jouissons en Suisse d’un haut niveau de sécurité et les incidents sont apparemment peu nombreux. Y a-t-il réellement un besoin en la matière ? En quoi les pays nordiques et anglo-saxons sont-ils meilleurs ?

OB : Effectivement, nos bâtiments sont plutôt solides et bien construits ! Le territoire est relativement petit et les pompiers bien organisés. Pourtant il y a encore de nombreux incidents et une quarantaine de décès par année dans des incendies de bâtiments. Nous avons une approche très normative alors que les nations les plus avancées sur le sujet ont mis l’accent sur la performance. Quels moyens faut-il mettre en place pour garantir une hauteur de 2,50 mètres sans fumée pendant un temps donné ou une évacuation en moins de 15 minutes ou encore une résistance structurelle réellement efficace ? Ceci a porté les analyses et les réflexions bien plus loin. En Suisse, nous pouvons améliorer la formation et construire de manière plus efficiente et économique. L’ingénierie incendie est une réelle plus value pour les maîtres d’ouvrages.