Rien ne sert de courir, il faut partir à point. C’est ainsi que commence le célèbre récit de Jean de La Fontaine « Le Lièvre et la Tortue » édité en 1668. Retranscription d’un récit de l’antiquité attribué au grec Esope, la fable décrit improbable compétition entre les deux animaux, l’un réputé pour sa vitesse, l’autre connu pour sa proverbiale lenteur. Sur de sa supériorité, le lièvre néglige la course, dort ou vogue à d’autres occupations avant d’entreprendre le parcours. La tortue, humble et persévérante, se lance immédiatement dans la course et reste concentrée sur son objectif jusqu’au bout. Lorsque le lièvre s’aperçoit qu’elle est sur le point de franchir la ligne d’arrivée, il s’élance enfin, il bondit aussi vite qu’il le peut pour tenter de dépasser sa rivale sur le fil. En vain. Il est battu, humilié.

Fin 2018, on apprenait d’une publication du Forum économique mondial, que la Suisse avait perdu son statut de pays le plus compétitif au monde. En tête du classement depuis 2009, elle chute aujourd’hui à la quatrième place. La chute est certes relative et le positionnement toujours excellent. Elle est essentiellement due à un changement dans la méthode de calcul et dans l’introduction de 60  nouveaux indicateurs sur les 100 qui composent l’indice. Et là est peut-être tout l’intérêt de cette information. Parmi ces nouveaux indicateurs sont mentionnées les nouvelles technologies, la capacité à fabriquer des idées, la culture entrepreneuriale, l’ouverture et l’agilité économique. Divisés en douze axes principaux, l’indice couvre tous les éléments impliqués dans les processus d’innovation. La Suisse n’arrive en tête d’aucun de ces douze axes majeurs, mais, rassurons-nous, reste en première place de l’indice « efficacité des chemins de fer ».

Selon le rapport, la Suisse a notamment pris du retard dans l’adoption des technologies de l’information, à savoir la numérisation de la vie quotidienne et des services publics, bref dans tout ce qui peut se faire directement sur un smartphone.

Qu’en est-il dans le secteur de la construction. Sûrs de nos compétences et de la qualité incomparable de nos bâtiments, nous avons longtemps observé avec complaisance nos voisins, bien souvent sans jamais avoir réellement participé ou même observé de près, un projet à l’étranger. Qu’il s’agisse d’installations techniques, de physique du bâtiment, de gestion de chantier ou de sécurité, nous nous montrions très confiants en nos propres capacités: « Y’en a point comme nous! », gloussions-nous. Aujourd’hui, la présence étrangère dans l’encadrement de projets suisses et les collaborations internationales sont plus fréquentes. Souvent, le constat n’est pas glorieux. La sécurité sur nos chantiers laisse à désirer, les méthodes sont parfois dépassées, le BIM n’en est qu’à ses balbutiements alors qu’il est usuel ailleurs, le LEAN et la numérisation en général font à peine leurs premiers pas et nous devons le plus souvent faire appels à des prestataires européens pour nous aider à leur mise en place.

Nous nous pensions tortue, nous voilà lièvre!