Nous nous pensions dans un monde digital, fluide et global. Internet, le cloud et nos smartphones toujours connectés nous avaient presque fait oublier l’importance du terrain, du physique, du réel. Tragiquement, la guerre en Ukraine nous a ramenés au temps des tranchées et des conquêtes de territoire mètre par mètre. Vu d’ici, la défense ou la prise de tel village ou de telle ville – dont nous n’avions jamais entendu parler avant le 24 février dernier – peut sembler dérisoire. Au fil des mois, après avoir entendu pléthore d’experts et vu les prix exploser, nous avons découvert l’importance géopolitique et économique de l’Ukraine, de la Russie et de la Mer Noire. Évidemment, les produits et matériaux que nous commandons si facilement du bout du doigt pour les mettre en place sur nos chantiers sont fabriqués réellement quelque part, consomment de l’énergie, doivent être transportés et transformés. La destruction d’une aciérie ou le blocage d’un port ont des conséquences directes sur la réalité du terrain. Ceux qui se battent pour protéger une usine ou un quartier, défendent non seulement la nation à laquelle ils se sentent appartenir mais également un territoire, ses infrastructures, ses richesses, ainsi qu’à l’autre bout de la chaîne les entreprises et utilisateurs finaux en Suisse ou ailleurs. Connaître et maîtriser le territoire est, depuis toujours et aujourd’hui plus que jamais, une question fondamentale.
Des chercheurs de l’EPFL et de l’Université de Genève pensent détenir la clé de la cartographie automatisée par drone. En combinant l’intelligence artificielle avec un nouvel algorithme, cette méthode promet de réduire considérablement le temps et les ressources nécessaires pour numériser avec précision des paysages complexes.
La cartographie tridimensionnelle (3D) est un outil très utile, notamment pour surveiller les chantiers de construction, suivre les effets du changement climatique sur les écosystèmes et vérifier la sécurité des routes et des ponts. Cependant, la technologie actuellement utilisée pour automatiser le processus de cartographie est limitée, ce qui en fait une tâche longue et coûteuse.
«Pour la première fois depuis l’an 2000, la Suisse est en train de cartographier l’ensemble de son paysage à l’aide de scanners laser aéroportés. Mais ce processus prendra quatre à cinq ans, car les scanners doivent voler à une altitude inférieure à un kilomètre pour pouvoir recueillir des données suffisamment détaillées et précises», déclare Jan Skaloud, collaborateur scientifique au Laboratoire de topométrie (Topo) au sein de la Faculté de l’Environnement Naturel, Architectural et Construit (ENAC) de l’EPFL. «Grâce à notre méthode, les géo- mètres peuvent envoyer des scanners laser jusqu’à cinq kilomètres d’altitude, avec le même niveau de précision. Nos lasers sont plus sensibles et peuvent émettre de la lumière sur une zone beaucoup plus grande, ce qui rend le processus cinq fois plus rapide. »
Nous ne sommes heureusement pas en guerre. Bien connaître le territoire reste pourtant essentiel et les applications de ces nouvelles technologies sont innombrables. Le futur de notre société, qu’il s’agisse d’environnement, de ressources ou de densification urbaine, passe encore par le sol. L’histoire n’est que géographie.
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