Rue de bourg 17, Lausanne

Au cœur de la Rue de Bourg, l’historique rue commerçante du centre de Lausanne, un ancien bâtiment est démoli et remplacé par une nouvelle construction. Si le chantier ne frappe pas par sa taille, sa position et le contexte dans lequel il s’inscrit induisent une complexité technique supérieure à la moyenne.


 

 

 

Située entre la Place St-François et, plus haut, la Rue St-Pierre, le Pont Bessières et la Cathédrale, la Rue de Bourg est depuis le XIIIe siècle déjà la voie commerciale de référence de la capitale vaudoise. Des familles bourgeoises y possèdent des maisons de pierre et divers établissements publics s’y installent ; auberges, commerces et maisons d’artisans côtoient les maisons de maîtres richement décorées. Depuis le XXe siècle et jusqu’à ce jour, la rue est essentiellement com- merçante, étant l’artère privilégiée des boutiques et enseignes de luxe. Fermée à la circulation motorisée depuis 1962, c’est la première rue piétonne de Suisse. Relativement pentue et étroite, elle conserve un caractère unique malgré les nombreuses transformations subies par son cordon de bâtiments (tous mitoyens de part et d’autre de la rue) au cours des siècles.

Le numéro 17, sur lequel nous nous concentrons ici, a connu de nombreux changements. Déjà visible au XVIIe siècle sur le Plan Buttet (un plan historique dessiné en 1638 par David Buttet), le bâtiment est bien connu des Lausannois pour avoir abrité Le Lido, ancien cinéma devenu salle de spectacle.

Le bâtiment est vétuste et la nécessité d’une mise à jour se fait sentir. Dès les premières esquisses, se pose le dilemme de base: conservation ou démolition ? Les discussions avec la Commission des monuments et des sites mettent en évidence la pauvreté de l’existant, dont les éléments originels encore en place ne montrent aucun intérêt de conservation. Le secteur est néanmoins soumis au regard de la commission pour le respect des alignements et du caractère de la rue; visible depuis la cathédrale, il se doit de respecter l’harmonie générale du quartier. La décision est enfin prise de démolir et reconstruire.

Le Maître d’Ouvrage, le fonds immobilier Credit Suisse Real Estate Fund Interswiss géré par Credit Suisse Asset Management, confie à Wincasa Construction le mandat de RMO et pilotage de projet. Les architectes de l’Atelier Commun SA, qui étaient en charge des phases d’étude jusqu’à l’organisation du concours d’entreprises totales remporté par Losinger Marazzi SA, ont été intégrés à l’organigramme sous la houlette de l’Entreprise Totale pour les phases d’exécution. La structure contractuelle et d’encadrement mise en place doit garantir non seulement l’enveloppe financière, mais s’impose surtout pour la complexité des travaux qui appelle clairement une vision d’Entreprise Totale.

PATCHWORK, BROKK ET BUTONS

Le bâtiment dispose de huit mètres de façades sur la Rue de Bourg. Il s’enfonce d’une quarantaine de mètres et débouche, un peu plus large, sur la Rue du Rôtillon, un étroit passage en contre-bas accessible depuis la Rue Centrale. Les premières réflexions des constructeurs sont celles de la logistique et de la méthode: où placer la base de vie, comment démolir, par où évacuer les matériaux et comment alimenter le chantier. La question de la sécurité est essentielle; les bâtiments mitoyens sont eux aussi le résultat de moultes transformations. Béton, briques, maçonneries diverses, doublages qui n’en sont pas et porteurs camouflés composent un patchwork peu rassurant.

A partir du mois de février 2019, les équipes de désamiantage s’activent dans les neuf niveaux de l’immeuble existant, pour laisser ensuite place à la minutieuse déconstruction. Les sondages préalables mettent en évidence la nature hétéroclite tant de la construction que des immeubles voisins. Seules de petites machines peuvent être introduites sur le site. Brokk et petits engins croquent et piquent les matériaux qui sont ensuite évacués par de petits camions, les seuls capables de remonter en marche arrière les ruelles du Flon et du Rôtillon. Au fur et à mesure de l’avancement des travaux, des butons – en bois sur les étages du haut et en métal pour les niveaux inférieurs – sont mis en place. Cette phase délicate s’étend de l’été 2019 à la fin de l’hiver 2020.

En parallèle, depuis le début de cette même année, des travaux de reprise en sous-œuvre sont entrepris. Le sous-sol autrefois partiel est complété par la creuse de la partie haute du terrain. Un radier est réalisé et, dès le printemps, la construction du nouveau bâtiment peut enfin démarrer.

Trois niveaux de bureaux-ateliers s’ouvrent du côté Rôtillon. Le troisième niveau est celui qui donne sur la Rue de Bourg et abritera forcément un commerce. Au-dessus, un étage de bureaux et quatre étages de logements seront bientôt sur le marché. Il s’agit pour la plupart de petits appartements citadins traités avec modernité. Au dernier étage, sous les toits, c’est un grand appartement traversant de 4,5 pièces, avec cour intérieure, qui jouera avec les espaces.

Pour la réalisation de ce programme, concepteurs et constructeurs avancent avec prudence. Les anciens plans numérisés ont montré à plusieurs reprises une précision approximative; certaines limites de parcelle ont notamment été revues.

Une plateforme de travail est mise en place du côté bas du chantier. La grue fondée sur micropieux est placée juste à côté. Pour des questions évidentes de statique et de poussée latérale, la construction est très attentive aux bâtiments voisins. Si les sous-sols sont globalement de bonne qualité et permettent un bétonnage d’une face contre le mitoyen, il n’en est pas de même pour les étages. Au niveau des commerces, le choix se porte sur la mise en place de prémurs, évitant ainsi tout contact avec le voisin. La situation est moins complexe dans les étages supérieurs pour lesquels une structure en maçonnerie traditionnelle est prévue.

La trame horizontale est réalisée en structure métal pour les niveaux commerciaux afin d’optimiser la hauteur d’étage par l’intégration des éléments techniques dans l’épaisseur de la poutre. Ce choix assure également une augmentation de la cadence. Les étages de logements reçoivent une dalle en béton usuelle. Des placages en béton finement traités viendront habiller les façades, redonnant au bâtiment la tenue et l’élégance d’antan.

La délicatesse du site, la mixité des programmes et des méthodes de construction imposent à l’encadrement une attention toute particulière et une coordination soutenue.

Le trou béant est un spectacle peu commun au cœur de la Rue de Bourg et la sécurité des personnes et des immeubles se doit d’être parfaitement assurée. Ainsi, ce chantier relativement petit fait appel à tout le savoir-faire de tous les acteurs du projet.

Les surfaces commerciales seront mises à disposition des futurs locataires dès le premier semestre 2021. Les logements seront terminés en été 2021. La commercialisation de ce projet a été confiée à la société SPGI à Lausanne.