Les premiers bâtiments du nouveau quartier d’affaires Pont-Rouge sont terminés. Trois tours, dont une de 60 mètres de haut, et un ensemble d’immeubles qui totalise plus de 18’000 m2 de surfaces utiles composent cette première étape. La seconde est en cours de construction alors que la troisième est en développement. Fonctionnels plus qu’originaux, les bâtiments marquent la naissance du futur Financial District de Genève et sont les premiers éléments du PAV.

Autrefois en marges des villes, nombre de zones industrielles, artisanales ou d’activités sont désormais englobées dans les agglomérations. Les activités qu’elles abritaient auparavant ont parfois disparu ou ont été déplacées. Ainsi prennent forme des friches urbaines qui appellent à une mise en valeur. De nouveaux quartiers naissent, les villes muent. L’exemple romand en la matière est sans doute le quartier du Flon à Lausanne qui en quelques années est passé du statut de zone malfamée à celui de nouveau cœur de la ville. Dépôts délabrés, drogue et prostitution ont fait place à un savant mélange de bureaux, écoles, commerces, services et divertissements alliant le secteur privé, les institutions publiques et le monde de la nuit. L’architecture y est variée, originale et de qualité et le quartier pulse sereinement le jour autant que la nuit.

A Genève, c’est le PAV (Praille-Acacias-Vernets) que l’on attend depuis de longues années. Le plan d’urbanisation concerne ici une portion de ville étonnement vaste (230 hectares) et au tissu ô combien diversifié. Des constructions neuves et des activités florissantes y côtoient d’anciens dépôts, des garages et d’autres micros réalités. L’ancienne caserne y occupe une surface importante. Le secteur, au carrefour des communes de Genève, Lancy

et Carouge comprend le Stade de Genève, le centre commercial de la Praille, la gare de triage, le parking relais de l’Etoile, les Ports-Francs ou encore la patinoire et centre sportif des Vernets. Des logements sont également présents sur cette portion de territoire. Ainsi, l’étendue du plan, la multiplicité des acteurs et des propriétaires fonciers et la complexité du programme ne permettent pas la mutation rapide de la zone.

Dans ce sens, le projet que nous présentons ici acquiert une valeur symbolique et représente le premier élément de ce renouveau qui, dans les décennies à venir, va transformer la plus vaste et ancienne zone industrielle et artisanale genevoise en un quartier urbain mixte où il fera bon vivre et travailler. C’est évidemment une formidable opportunité et un potentiel de développement unique au cœur de la ville.

Connexions
Dans tout le pays, alors que l’exploitation requiert moins de surfaces et d’équipements qu’auparavant, les CFF peuvent libérer et valoriser des terrains extrêmement bien placés, en proximité des gares. Ils constituent sont souvent le point de départ de vastes opérations qui participent au renouveau de nos villes; c’est le cas pour le projet de centre d’affaires Pont-Rouge. L’ensemble de bâtiments qui est en cours de réalisation bénéficie d’une connexion directe avec la nouvelle gare de Lancy-Pont-Rouge, inaugurée en 2017 dans le cadre du projet Léman Express et de la nouvelle ligne CEVA. Il fait front sur le carrefour de l’Etoile sur lequel convergent un accès autoroutier, une ligne de tram et plusieurs axes routiers majeurs en direction du centre ville.

Le projet, signé du bureau Pont 12 architectes, est mené en entreprise totale par Implenia. Suite au concours, les travaux ont débuté en septembre 2015. Après trois ans intenses, les surfaces ont été remises aux propriétaires à la fin 2018. Les travaux ont ainsi connu trois grandes phases. La première année a été dédiée aux travaux d’infrastructures (excavation par parois moulée, forages de sondes géothermiques et de pieux, création d’un niveau technique et de trois niveaux de parking et locaux divers). Cette étape délicate est marquée par le contexte sensible : la proximité immédiate des voies de chemin de fer exclu tout ancrage dans le terrain, les fouilles sont étayées par l’intérieur, la qualité du terrain est très défavorable, le chantier de la construction de la gare CEVA voisine du bâtiment se déroule en même temps, pour ne citer que les principaux.

La deuxième année est celle de la construction de la structure hors sol. A plein régime, l’avancement est spectaculaire : un étage toutes les deux semaines ! L’ensemble est construit en cascade en partant du secteur Est. La méthode adoptée permet de construire la façade à l’avancement, avant même de terminer l’ensemble du gros-œuvre.

Finalement, la troisième année est occupée par les travaux intérieurs, les installations et les aménagements et les finitions.

La construction se poursuit actuellement de l’autre côté des voies de chemin de fer avec la deuxième étape du projet qui comprend deux immeubles au concept similaire. Une troisième phase qui viendra compléter l’offre commerciale est à l’étude. Sur une parcelle voisine, ce sont quinze immeubles de logements qui sont en construction (640 appartements dont 80% de logements d’utilité publique, pour un total d’environ 1800 habitants).

Aller plus haut
Dénommés « Esplanade 1 et 2 », les premiers bâtiments imposent un nouveau langage architectural dans un contexte aujourd’hui hétéroclite et laissent entrevoir le futur visage du quartier. Les immeubles sont hauts et dégagent une image de solidité et de qualité. L’une des tours atteint 60 mètres. Bien que les plans du PAV prévoient des immeubles encore plus hauts dans le secteur, notamment une tour de 180 mètres, dont la réalisation n’est toutefois pas encore d’actualité, Esplanade 2 est aujourd’hui l’un des plus haut bâtiment de Genève.

« l’un des plus haut bâtiment de Genève »

Le projet est également pour Implenia l’occasion de viser de nouveaux sommets au niveau de l’organisation et de la gestion de chantier. Le concept « One Company » est appliqué ici en projet pilote. Il s’agit de regrouper, dès les phases de développement et tout au long de la réalisation, les diverses entités du groupe (infrastructures, travaux spéciaux, entreprise générale, etc.) pour dynamiser les synergies et exploiter pleinement les compétences internes. Cette optimisation des méthodes assure une forte maîtrise du projet et des performances accrues, tant dans les choix techniques que dans l’avancement des travaux.

Le planning cadencé mis en place avec la méthode LEAN est une autre innovation adoptée sur ce chantier.

Le label international de durabilité DGNB Or (premier du type en Suisse) ainsi que les exigences OPAM (Office de prévention des accidents majeurs) liées à la proximité des voies de chemin de fer et au passage de convois potentiellement dangereux ajoutent de nouvelles exigences (une quarantaine de critères analysés pour le DGNB afin d’assurer durabilité, confort, performance énergétique et qualité de l’air intérieur; une façade résistante aux déflagrations et un concept de confinement et de sécurisation de la ventilation pour les exigences OPAM).

Le chantier a débuté par une par des phases de travaux spéciaux et d’infrastructures importants. Le contexte ne permet pas une fouille traditionnelle, ce sont donc des parois moulées étayées de l’intérieur qui sont réalisées (environ 15 mètres de profondeur, aucun ancrage possible en dehors de l’enceinte de fouille). L’excavation s’avère difficile, le terrain est glaiseux. Une importante forêt de pieux assure une assise adéquate aux fondations. Les terres excavées sont évacuées par train; un quai est spécifiquement aménagé pour cette opération et au plus fort de l’activité ce sont quelques dix-huit wagons qui sont transportés chaque jour.

Passées ces premières étapes, la construction basée sur un système traditionnel poteaux/dalles, avance rapidement. Les phases s’enchaînent et la pose des façades en pierre naturelle arrive très vite. Ici et là, des loggias animent la façade et offrent une ouverture supplémentaire sur l’extérieur.

Les plateaux sont livrés semi-finis par l’entreprise totale. Ils sont munis de faux-planchers, de toutes les installations techniques primaires et d’îlots de plafonds actifs. Les espaces communs sont entièrement finis alors que chaque locataire entreprend les aménagements qui lui sont nécessaires. L’Ecole Club Migros occupe une partie des surfaces et plusieurs institutions bancaires et financières figurent parmi les futurs locataires (Crédit Agricole next bank, Regus, Swisscom, Ernst&Yung). Ainsi, l’architecture typée, les typologies proposées et les services offerts orientent naturellement les bâtiments à accueillir des sociétés actives dans les secteurs de la finance ou du négoce. Cette projection s’inscrit dans une volonté de déplacer certaines activités hors du centre ville. C’est donc à la naissance du « Financial District » de Genève que nous assistons ici.

Gestion de chantier

Méthode LEAN

Beaucoup de visuel, des micros séances et de la flexibilité: voici les maîtres mots de la gestion de chantier via la méthode LEAN qui vise l’industrialisation de la construction.

 

Le planning, cadencé, offre une grande visibilité. Les travaux sont divisés en petites zones dans lesquelles l’avancement des équipes est suivi au jour le jour. Les séances hebdomadaires dépassent rarement la demi heure et permettent de coordonner efficacement et en directe collaboration avec les équipes en place, les tâches à accomplir dans les jours qui suivent. L’encadrement est renforcé et les efforts se concentrent sur l’optimisation de l’organisation, sur l’anticipation et sur la préparation des travaux.

 

Un service de logistique centralisé a été mis en place. Habituellement, chaque sous-traitant reçoit lui-même le matériel livré sur le chantier et le transporte à son point de destination. Mais ce mode de travail manque d’efficacité et génère beaucoup de temps morts. Ici la logistique est confiée à une équipe spécialement constituée. Soutenue par un outil en ligne, celle-ci se charge de recevoir, contrôler et acheminer le matériel. Les sous-traitants peuvent ainsi se consacrer pleinement à leurs missions de base. Cette logistique centralisée, en plus d’accroître l’efficacité, permet un contrôle détaillé et une validation de tous les matériaux et produits utilisés sur le chantier.

 

Label

La qualité vaut de l’or

Pont-Rouge est le premier bâtiment en Suisse Romande à obtenir le label de durabilité DGNB Or. Ce label international d’origine allemande prend en compte une quarantaine de critères de durabilité, confort, performance énergétiques ainsi que des critères sociaux et même artistiques. L’un des chapitres principaux vise à garantir la qualité de l’air intérieur, ce qui implique un usage de matériaux et produits sélectionnés dans toutes les phases de réalisation. Ainsi, se sont plus de 1000 fiches produits qui ont été analysées et validées par l’équipe projet. Les labels internationaux de durabilité sont des exigences de plus en plus fréquentes auprès des maîtres d’ouvrage soucieux de respecter l’environnement et d’assumer leur responsabilité sociale. Ils sont également importants afin d’attirer parmi les locataires des groupes internationaux sensibles à ces aspects.

 

Géothermie

Energie pour tous

Une grande centrale de géothermie a été crée sous le bâtiment. Une cinquantaine de sondes atteignant une profondeur de 300 mètres ont été forées par les équipes infrastructures d’Implenia. Ces 15 kilomètres de forages cumulés vont permettre de produire de l’eau chaude non seulement pour le bâtiment, mais pour l’ensemble du quartier. La centrale est gérée par Bouygues Energie & Services Intec.

 

Principaux intervenants

Maître de l’ouvrage

CFF Immobilier, Lausanne

Entreprise totale

Implenia Suisse SA, Onex

Architectes

Pont 12 Architectes SA, Chavannes-près-Renens

Ingénieur civil

EDMS Ingénieurs SA, Petit-Lancy