La banque Edmond de Rothschild publie régulièrement des analyses, notamment sur les marchés immobiliers. Le rapport de fin d’année s’interroge sur les perspectives du marché de l’immobilier résidentiel dans le contexte économique actuel. Nous en reprenons ici les grandes lignes.

Au niveau mondial, la valeur de l’immobilier résidentiel représente près de 30 % de la richesse totale, que ce marché forme avec les marchés des actions et des obligations. Cette proportion augmente à 45 % si l’on y ajoute l’immobilier commercial. Cette importance souligne la nécessité pour les investisseurs, les décideurs, mais également pour les ménages de comprendre les mécanismes à l’œuvre sur ces marchés particuliers.

Contrairement aux marchés financiers, très intégrés et interdépendants à l’échelle internationale, les marchés immobiliers, surtout résidentiels, sont plus segmentés et démontrent des évolutions pouvant diverger parfois fortement entre villes. L’évolution des marchés immobiliers au niveau des agglomérations est influencée par des facteurs tels que la composition du tissu économique et certaines particularités géographiques et réglementaires locales. Néanmoins, l’évolution générale des marchés résidentiels au niveau national est plus largement guidée par les conditions macroéconomiques.

Dans cette étude, les analystes se proposent d’explorer les principales variables macroéconomiques et financières pouvant expliquer l’évolution des prix de l’immobilier résidentiel et d’en tirer des perspectives quant à leur évolution future. Les analyses sont fondées sur un modèle économétrique employant des variables identifiées dans la littérature académique récente ainsi que sur des techniques statistiques d’analyse de séries temporelles. Sont considérés les marchés résidentiels au niveau national pour la Suisse, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni, depuis 2000.

Facteurs macroéconomiques

Parmi les facteurs macroéconomiques considérés, les conditions de crédit (volume de crédits et taux d’intérêt hypothécaires) démontrent la contribution la plus importante à la progression des prix résidentiels dans l’ensemble. La croissance du PIB et l’inflation sous-jacente ont aussi été des contributeurs souvent réguliers à la croissance des prix de l’immobilier résidentiel. De plus, le taux de logements vacants, qui est une mesure plus spécifique de l’équilibre sur le marché, a généralement une contribution de plus en plus importante.

En Suisse, les prix de l’immobilier résidentiel ont connu une première hausse sensible jusqu’à la crise financière (32,1 % entre le T1 2000 et le T3 2008), avant de stagner et de progresser à nouveau (37,1 % entre le T4 2010 et le T2 2019). Depuis 2009, les conditions de crédit ont contribué pour près de moitié à l’augmentation des prix sur la période, même si des règles d’octroi de crédits hypothécaires plus strictes ont modéré cette contribution, surtout depuis 2014. L’augmentation du taux de logement vacants depuis 2013 pèse particulièrement sur les prix suisses depuis 2018. Quant aux perspectives d’évolution du marché résidentiel helvétique au cours des prochains trimestres, le modèle suggère que les prix resteraient plutôt stables.

En Allemagne, après plus d’une décennie de stabilité, il a fallu attendre la fin 2009 pour voir augmenter les prix résidentiels de manière soutenue (61,9 % entre le T2 2009 et le T2 2019). Même si les conditions de crédit ont davantage contribué à l’augmentation des prix résidentiels allemands depuis 2015, cette contribution reste dans l’ensemble plus faible que dans les autres pays étudiés. La croissance économique, qui a largement participé à la progression des prix entre 2015 et 2018, offre désormais peu de soutien. En revanche, contrairement aux autres pays considérés, le taux de logements vacants, qui a enregistré une chute historique après une baisse continue depuis 2010 induit une pression à la hausse des prix de l’immobilier résidentiel particulièrement sensible depuis 2016. Le modèle indique que les prix de l’immobilier résidentiel poursuivraient une croissance soutenue, mais à un rythme plus faible que durant les trimestres écoulés.

Concernant la France, les prix ont fortement augmenté jusqu’à la crise financière (125,0 % entre le T1 2000 et le T1 2008), avant de chuter (-9,4 % sur deux ans), de rebondir et de décliner lentement suite à la crise de la dette européenne (-7,1 % entre le T3 2011 et le T2 2015). Depuis, les prix résidentiels français ont progressé régulièrement (10,3 % jusqu’au T2 2019). Les conditions de crédit sont dans l’ensemble le principal contributeur à l’évolution des prix de l’immobilier résidentiel français, particulièrement entre 2015 et 2018. Le soutien apporté par la croissance économique s’estompe particulièrement depuis 2017. Quant à l’augmentation du taux de logements vacants, elle pèse de plus en plus sur les prix depuis 2014. Selon le modèle, au cours des prochains trimestres, les prix résidentiels français croîtraient d’abord à un rythme comparable à celui observé ces deux dernières années avant de ralentir.

Finalement, les prix de l’immobilier résidentiel au Royaume-Uni ont fortement progressé jusqu’à la crise financière (145,7 %), avant de s’effondrer (-17,8 % sur deux ans), de rebondir et de stagner jusqu’au T2 2013. Les prix ont ensuite augmenté rapidement jusqu’au vote du Brexit au printemps 2016 (22,4 % en trois ans) et leur croissance s’est affaissée ensuite (6,0 % en trois ans jusqu’au T2 2019). Le modèle suggère que la croissance des prix au cours des prochains trimestres resterait faible dans un premier temps, mais pourrait ré-accélérer ensuite, à moins qu’un Brexit sans accord ne survienne, ce qui engendrerait une dévalorisation de l’ordre de 7,0 % en moyenne en 2020, alors que la contraction maximale serait de l’ordre de10,0%.