Lors de la 13e conférence sur les enveloppe de bâtiments avancées qui s’est tenue à Berne les 1er et 2 octobre dernier, la série de présentations traitant du travail des architectes et ingénieurs judiciaires a rencontré un vif succès. Compte rendu.
La société Advanced Building Skins a tenu sa conférence annuelle au début du mois d’octobre. En 28 sessions, plus de 200 intervenants ont présenté les derniers développements en matière de conception des enveloppes de bâtiments et de matériaux utilisables. Les sujets abordés cette année ont notamment traité de l’impact du changement climatique sur la conception des enveloppes de bâtiment, de l’impression 3D ou de l’intelligence et de la réactivité des enveloppes de bâtiment.
Un thème peu banal, l’architecture judiciaire a attiré les curieux et s’est révélée fort intéressante. Président et CEO du cabinet américain Ivy Group Consultants, Robert Bitterli a expliqué quels instruments scientifiques les architectes et les ingénieurs judiciaires utilisent pour leurs enquêtes. Brett Newkirk, d’Alta Engineering, a montré comment fonctionne l’ingénierie judiciaire dans la pratique. Richard Slider, de Slider Engineering, a analysé les dommages subis par les bâtiments après un cyclone en Floride en décrivant l’ensemble du processus, des dommages eux-mêmes au règlement hors tribunal et à la rénovation des fenêtres et de toute la façade. En outre, Christopher White, du National Institute of Standards and Technology américain, a démontré comment les dommages de l’enveloppe du bâtiment peuvent être prévus.
Ingénieurs de la police scientifique
Les procès où interviennent des architectes et ingénieurs judiciaires attirent toujours beaucoup d’attention. En réalité, ils ne constituent qu’un petit pourcentage du travail d’architecture judiciaire. De nombreuses affaires d’architecture judiciaire ne vont jamais jusqu’au procès. Les architectes et les ingénieurs judiciaires doivent néanmoins très bien connaître les aspects légaux car les experts judiciaires interviennent souvent dans des affaires controversées plaidées par des avocats. Selon Carl de Stefanis, président de la société américaine Inspection & Valuation International, les demandes d’indemnisation de dommages dus à une défaillance du bâtiment ont beaucoup augmenté ces dernières années. Environ 80 % des demandes d’indemnisation concernent l’enveloppe du bâtiment, c’est-à-dire le toit et la façade, y compris les fenêtres, les murs et l’isolation. Pendant les vingt dernières années, le nombre et l’étendue des dommages dus à la formation de moisissure ont tellement augmenté que de nombreuses compagnies d’assurance américaines refusent maintenant de couvrir les dommages dus à l’eau ou aux moisissures.
« Avant, les bâtiments pouvaient respirer »
Une étude récente de la société américaine OAC Services vient de confirmer que c’est l’apparition d’humidité dans le bâtiment qui est la cause la plus courante de dommages à l’enveloppe. Cela peut être dû à des matériaux défaillants mais, le plus souvent, cela vient d’un un mauvais travail de construction. Au cours des dernières décennies, dans le but de réduire la consommation d’énergie, les normes de construction sont devenues de plus en plus strictes. Avant, l’enveloppe du bâtiment pouvait « respirer » et elle était plus tolérante aux défauts de construction car l’humidité séchait grâce aux flux d’air. De nos jours, les bâtiments sont conçus pour être étanches et offrir un meilleur rendement énergétique, ce qui les rend moins tolérants aux défauts. Construire correctement le bâtiment tel qu’il a été conçu est devenu plus important. « Nous avons noté une nette augmentation des défaillances après la mise en place du code de l’énergie en 1980, » explique Lee Dunham d’OAC. Dans la construction, les normes du bâtiment sont souvent appliquées de manière insatisfaisante, ce qui peut entraîner la formation de moisissure. Bien que les architectes conçoivent des immeubles toujours plus durables, selon l’étude de l’OAC, les systèmes installés tombent en panne de plus en plus souvent. Après seulement quelques années, toutes les prévisions de coûts du cycle de vie sont bonnes à jeter à la poubelle.
Selon Lee Dunham, l’architecte prend souvent pour des questions de coût des décisions de conception qui sapent l’intégrité de l’enveloppe du bâtiment (stratégies d’ingénierie de la valeur). La mission de l’expert judiciaire est souvent de déterminer la cause des dommages survenus au bâtiment. Le dommage est-il dû à un mauvais travail de construction ou à des matériaux défectueux, ou bien à la conception du bâtiment elle-même ? En outre, un calendrier, des délais de construction ou des budgets très serrés, une mauvaise communication du concept ou l’utilisation de nouveaux systèmes ou matériaux peuvent affecter les performances de l’immeuble.
Un immeuble n’est jamais statique, il est toujours en mouvement. L’acier, le béton et le bois réagissent à une vitesse différente à l’action des forces de gravitation, de la contamination et des éléments comme la pluie, le soleil, la neige, la glace, la pression atmosphérique, etc. Comme l’enveloppe est en grande partie responsable des performances thermiques et acoustiques de l’immeuble, effectuer régulièrement des opérations de maintenance permet de prolonger l’espérance de vie du bâtiment et d’économiser du temps de travail en réparations. L’architecte judiciaire prend des mesures pour prolonger l’espérance de vie du bâtiment et les cycles de maintenance, et donc de réduire les coûts du cycle de vie. En matière de gestion d’installations, l’architecture judiciaire permet de réaliser des économies substantielles dans l’exploitation et la maintenance des bâtiments.