Premier gratte-ciel de Suisse, la tour Bel-Air de Lausanne est une icône. Après une première phase de rénovation, c’est aujourd’hui l’ensemble du complexe qui bénéficie d’un assainissement.

Inauguré en 1931, le complexe Bel-Air est signé de l’ingénieur Eugène Scotoni et de l’architecte Alphonse Laverrière. Bien que la partie la plus emblématique soit la tour haute de 70 mètres, le bâtiment comprend en tout quatre volumes: la tour, deux ailes au niveau de la Rue des Terreaux et le socle de quatre niveaux qui complète la composition du côté Route de Genève. Au cœur du bâtiment se niche la Salle Métropole, un ancien cinéma historique classé à l’inventaire en 1992 qui fait aujourd’hui office de salle de spectacles de 2000 places; l’ensemble est, quant à lui, recensé en note 1.

Une première campagne de rénovation s’est déroulée entre 2013 et 2016. Sous la direction de CCHE Lausanne SA, les travaux remettent à neuf la tour, les façades, les espaces commerciaux du socle et définissent les lignes architecturales qui guident la rénovation. Aujourd’hui, ce sont les bureaux et logements situés dans les deux ailes qui sont rénovés.

REAL ESTATE

L’architecture élégante du complexe est clairement inspirée des buildings new-yorkais du début du XXe siècle. C’est aussi un bâtiment qui, en son temps, a introduit diverses nou- veautés techniques. La structure principale est composée d’une ossature métallique de quelque 2000 tonnes d’acier. Les colonnes sont assemblées par boulons alors que les planchers, pour la première fois en Suisse, sont soudés sur site. Ce choix, jadis audacieux, permet de raccourcir la durée de la construction; seulement vingt-deux mois s’écoulent entre le début des travaux et l’inauguration. Les façades sont composées de murs en maçonnerie reposant directement sur la charpente métallique, et d’un plaquage d’habillage en pierre naturelle. Treize ascenseurs desservent les étages. A l’intérieur, les technologies les plus modernes de l’époque sont utilisées : électricité, réfrigérateurs, douches et téléphones équipent chacun des appartements. La typologie des logements est, elle aussi, un témoignage historique. Les cuisines sont par exemple dotées d’un accès direct depuis l’entrée du logement et d’une circulation secondaire vers la salle à manger. Ici, un passe-plat permet de servir les convives tout en gardant le personnel de maison en retrait. Les appartements les plus grands ont une surface pouvant atteindre 155 m2. Ces éléments confirment le statut particulier de l’immeuble et, dès le départ, le standing de l’opération immobilière.

«Bel-Air n’est pas un bien comme les autres, explique Jacques Dorée, Regional West Team Leader au sein de Zurich Invest SA, propriétaire du complexe. La dimension historique et la valeur iconique des bâtiments sont des facteurs qui nous sont chers. Ainsi, les investissements menés depuis 2006 déjà pour les premières phases d’étude et jusqu’à aujourd’hui, témoignent de cet attachement et de la forte volonté de pérenniser un bien d’exception. »

Les travaux terminés en 2016 ont représenté une rénovation historique du complexe avec des interventions lourdes touchant tant la structure que les techniques et aspects architecturaux. L’intervention actuelle complète cette première phase en se concentrant sur des aspects essentiellement techniques utiles à l’exploitant. «Néanmoins, chaque intervention est soumise à la validation de la Division monuments et sites de l’État de Vaud avec qui nous avons établi une excellente collaboration », poursuit Jacques Dorée.

DE BAS EN HAUT

«Il s’agit aujourd’hui de rénover les installations techniques des ailes nord et sud, précise Romain Clamens, chef de projet au sein de l’entreprise générale BCO SA qui dirige la phase actuelle des travaux. Celles-ci comprennent deux niveaux de surfaces de bureaux ainsi qu’une centaine d’appartements répartis en six allées. Une partie de ces surfaces, notamment certains bureaux, ont fait l’objet de rénovations et transformations diverses au fil des ans, perdant au passage certains de leurs composants qui, au contraire, auraient mérité d’être préservés. Aujourd’hui, une grande attention est accordée aux éléments à conserver, si minimes soient-ils. »

Les parquets historiques du complexe Bel-Air sont ainsi remis en état. Les riches décorations – moulures, encadrements, boiseries de portes et autres éléments de quincaillerie – sont rénovées, réparées ou remplacées à l’identique lorsque cela est nécessaire. Ces interventions font appel à un savoir-faire de haut niveau et à des gestes peu usuels de nos jours. Il s’agit également de trouver la juste mesure entre les exigences techniques et légales actuelles et le devoir de conservation patrimoniale. Les portes palières de tout le complexe sont, par exemple, décorées d’un verre et d’une grille de ferronnerie unique. Les éléments historiques sont rapportés à un élément moderne qui assure la fonction coupe-feu.

«Chaque appartement a habituellement deux gaines techniques, une dans les salles de bain et une dans les cuisines, précise Romain Clamens. C’est là que se concentrent les interventions les plus lourdes. Les réseaux sont entièrement démontés et remis à neuf sur toutes les colonnes (remplacement du système d’alimentation eau chaude, eau froide et évacuation), tout comme les équipements et revêtements (cuisines, salles de bain, carrelage, peintures). »

En quatorze mois de travaux, toutes les techniques, équipements des cuisines et salles de bain, réfections de surfaces (parquets, peintures), ainsi que travaux de conservation sont réalisés en présence des locataires. Environ un tiers des appartements sont vacants au début du chantier; ils permettent de débuter les travaux et de faire des rocades de locataires afin d’intervenir dans chaque logement. « Les appartements vacants sont refaits entièrement alors que les travaux se limitent à la réfection des cuisines et salles de bain dans les logements occupés, explique Joyline Berteau, gérante d’immeuble chez Apleona Real Estate AG. Quatre typologies de base correspondant à la majorité des appartements ont été définies et constituent le catalogue pour les futures interventions (dès qu’un appartement se libère) qui pourront dès lors être gérées directement par la régie. »

Une partie des fenêtres est également remplacée et des réparations sur la pierre naturelle de façade sont effectuées.

Les cages d’ascenseur, elles aussi protégées, sont également rénovées. La ferronnerie d’origine est conservée, curée et repeinte tandis que les verres sont remplacés. Cette intervention s’effectue de l’intérieur de la cage et fait appel, une nouvelle fois, à toute la dextérité et précision des artisans. Quant aux ascenseurs, ils sont remplacés, ce qui demande une modification des édicules en toiture.

La prochaine grande étape des travaux dans le complexe Bel-Air sera la rénovation technique de la salle de spectacles. Bel-Air/Chantiers magazine 3.2021