Sécurité au travail

Avec le Covid-19, de nouvelles règles de protection de la santé ont fait leur apparition. La distance sociale, l’hygiène des mains et la limitation de la coactivité ont généré des contraintes supplémentaires sur les chantiers, compliquant encore leur gestion.

Depuis le début du mois de mai, les entreprises du secteur de la construction ont malheureusement dû faire face à six nouveaux accidents mortels. Sur les chantiers, contrairement à l’industrie, la situation de travail n’est jamais la même d’un jour à l’autre. Les activités et les mesures de sécurité varient au gré de l’avancement des travaux. On peut ainsi retrouver, sur un même chantier, des maçons, des peintres, des carreleurs, des électriciens ou encore des menuisiers. «La planification est vraiment importante. Et le respect total des règles de sécurité, notamment des règles vitales à chaque place de travail devrait rester une priorité », explique Yves Guilloud, ingénieur de sécurité à la Suva.

DOUBLE FONCTION

Yves Guilloud a suivi un cursus d’ingénieur dans le domaine de la construction métallique, puis une formation d’ingénieur de sécurité. Ces deux formations combinées à son expérience lui permettent d’apprécier et d’appréhender les risques et dangers sur les chantiers. Ce père de famille occupe une double fonction au sein de la division sécurité au travail à la Suva. Il est à la fois cet ange-gardien, ce spécialiste de la sécurité, ce conseiller qui parcourt les chantiers pour vérifier que les règles de sécurité y soient bien appliquées, mais aussi cet enquêteur à qui la police fait malheureusement trop souvent appel après un accident grave ou mortel. «C’est évidemment plus facile, et surtout nettement moins fort émotionnellement de travailler, d’échanger et de dialoguer pour éviter le pire que d’être appelé à déterminer le déroulement d’un accident mortel», avoue Yves Guilloud.

Chaque accident est un accident de trop et la mort ou la blessure grave d’un collègue représente une perte inestimable pour l’entreprise, mais aussi et surtout pour sa famille et ses proches. «Ce qui me touche le plus dans ces situations dramatiques, c’est de savoir que des personnes attendent la victime à la maison, sa femme, ses enfants, ses frères, sœurs, parents, et qu’ils ne la verront pas rentrer ou avec des atteintes irréversibles. Et là, je me dis à chaque fois qu’aucun travail, aucune activité ne mérite que l’on risque sa vie. On part le matin au boulot pour aller gagner son pain, pas pour perdre la vie ! » C’est aussi cela qui pousse et motive Yves Guilloud lors de ses enquêtes: déterminer les causes, communiquer avec ses collègues et les entreprises pour que le malheur ne frappe pas une autre famille.

ERRARE HUMANUM EST

La plupart des accidents graves ou mortels sont malheureusement encore trop souvent dus à des erreurs humaines. Les chiffres sont froids et ne disent évidemment pas tout mais, statistiquement, sur dix victimes d’un acci- dent mortel, sept ont perdu la vie en raison du non-respect d’au moins une des règles vitales édictées par la Suva. «Je trouve que les règles vitales portent pourtant bien leur nom, poursuit le spécialiste. Si on ne les respecte pas on met sa vie en danger. »

Finalement, c’est le comportement de chaque travailleur sur un chantier qui détermine en grande partie les dangers auxquels il s’expose ou confronte ses collègues. «Sur un chantier, la sécurité est l’affaire de tous et non pas uniquement celle du chargé de sécurité ou du spécialiste de la Suva. Chaque ouvrier présent devrait pouvoir se responsabiliser et être capable de dire STOP en cas de doute ou de danger. Pour moi, les règles vitales font clairement partie des connaissances de base qui permettent aux ouvriers de rentrer en bonne santé à la maison. »

Yves Guilloud a vécu de nombreux drames qui l’ont marqué à jamais à travers ses enquêtes d’accidents. «Je n’oublierai jamais ces images de ce jeune apprenti mort après une chute d’une dizaine de mètres. Ni celles de tous ses collègues dévastés. J’ai imaginé la détresse de ses parents, de ses proches. Aujourd’hui, je fais chaque jour tout mon possible pour que les enseignements de ces drames, souvent facilement évitables, puissent au moins servir à sauver d’autres vies sur le terrain. »