Infrastructures – Nouveau pont de Gênes

Inauguré le 3 août 2020, le pont San Giorgio a donné un souffle nouveau à la ville de Gênes et à son port, très affectés par l’absence d’une artère principale après l’effondrement du pont Morandi en août 2018. Le nouveau viaduc, conçu par le Gênois Renzo Piano, réussit le pari d’unir une ville et un pays, physiquement et symboliquement.

Le nouveau pont sur le Polcevera représente un point de jonction important pour les liaisons routières et les transports à Gênes, en Ligurie et dans toute l’Italie. Suite à l’effondrement du pont Morandi le 14 août 2018, sa reconstruction rapide vise à devenir un modèle de rénovation et d’adaptation des infrastructures italiennes. Avec la privatisation partielle qui a eu lieu dans les décennies passées, cette reconstruction par l’État revêt une grande importance sociale, économique et stratégique.

Le nouveau viaduc, qui traverse la zone anthropisée de Val Polcevera, prend le caractère d’un « pont urbain ». Cette condition a caractérisé la conception, garantissant son harmonie non seulement avec l’infrastructure elle-même, mais aussi avec sa forte relation avec la zone environnante.

Le nouveau pont repose sur le sol au moyen de minces piliers en béton armé d’une section elliptique de 4 mètres sur 9,5 mètres. La géométrie de l’ellipse, sans angles vifs, permet à la lumière de « glisser » sur la surface, atténuant ainsi l’impact visuel et la présence dans le contexte urbain des nouveaux piliers.

Le pont est soutenu par dix-huit piles d’une hauteur constante de 50 mètres, à l’exception des trois travées centrales qui, traversant le ruisseau Polcevera et les zones ferroviaires, ont une hauteur de 100 mètres. La disposition des piles est le résultat d’un choix architectural visant à utiliser des éléments plus fréquents mais plus rationnels qui s’intègrent au mieux dans un tissu urbain irrégulier.

D’un point de vue structurel et sismique, le tablier est « isolé » des piles grâce à l’utilisation de dispositifs de soutien qui permettent au pont de « respirer » sans qu’il y ait d’influence sur sa stabilité et sa résistance. Cette approche a permis d’optimiser les struc- tures, les sous-structures et, en particulier, les fondations, en limitant leur taille dans un contexte fortement urbanisé.

UN PONT POUR UNIR

D’un point de vue architectural, la forme décrite par le pont, qui rappelle la coque d’un navire, est d’une grande importance. La réduction progressive de la section vers les extrémités du pont atténue l’impact visuel de la nouvelle infrastructure. En outre, l’utilisation d’une couleur claire pour le revêtement des éléments en acier rend le pont lumineux, harmonisant ainsi sa présence dans le paysage. Les travées métalliques ont été construites près de Naples, autre ville intimement liée à la mer, puis transportées par barges à l’embouchure du Polcevera, associant ainsi symboliquement toute l’Italie à l’effort de reconstruction.

La nécessité de reconnecter les embranchements routiers existants – du côté ouest, les tunnels de la Coronata et, du côté est, les embranchements vers l’autoroute A7 – a servi de base au tracé des routes du nouveau pont et de la nouvelle bretelle d’accès vers l’ouest. Par rapport au tronçon original du pont Morandi, la section de route a également été équipée d’une bande d’arrêt d’urgence dans les deux sens afin de garantir la sécurité routière et la possibilité d’effectuer des travaux d’entretien sans devoir recourir à la fermeture des voies de circulation ordinaires.

« beauté, efficacité et courage »

Suite à la grande tragédie qu’a été l’effondrement partiel du pont Morandi, la volonté de reconstruire et de redémarrer a immédiatement donné aux Gênois un objectif plus large, celui de construire un nouveau pont capable de représenter le véritable moteur de la transformation de tout ce secteur, et symboliquement, d’un nouvel élan pour la ville. Par conséquent, la construction du pont s’est accompagnée d’appels d’offres pour des concours publics dans le but de réaliser des travaux de régénération urbaine, sociale et environnementale. En particulier, un nouveau parc public et de nouveaux aménagements offrent un visage flambant neuf aux quartiers hétéroclites au pied du pont.

L’engagement de Renzo Piano qui, au lendemain de la tragédie, s’est proposé d’offrir la conception du nouveau pont à la ville de Gênes, a particulièrement touché ses concitoyens. Sa sereine impulsion – tant conceptuelle que politique – a été décisive afin de réussir à mettre en service le nouveau pont moins de deux ans après la tragédie, dans un pays qui est rarement considéré comme un exemple d’efficacité. Certains des travaux les plus complexes ont par ailleurs été réalisés au plus haut de la crise sanitaire. Beauté, efficacité et courage se sont alliés ici, offrant aux Gênois et à tous les Italiens un motif d’union, d’orgueil et d’espoir. Alors que l’effondrement avait été vécu comme l’énième honteuse, tragique confirmation de la décadence et de la mauvaise gestion du pays, la réussite de la reconstruction offre une lueur d’espoir.

Fidèle à sa réputation, Piano a conçu un ouvrage hautement technologique tout en lui donnant une apparence simple et une portée symbolique forte. Construire un navire à Gênes, ville portuaire par excellence, sonne comme une évidence. Le transformer en lien dans un pays morcelé par la politique, puis en chantier de tous les défis (temps record d’exécution et mise en service en pleine crise du Covid-19), nécessitait la touche d’un génie.