Quelle approche adopter?

La plupart des entrepreneurs sont confrontés un jour ou l’autre à un litige avec un client ou un fournisseur. La première idée est souvent de partir au combat « coûte que coûte » afin d’affirmer sa vision des choses. A ce stade, le temps n’est souvent pas pris pour s’arrêter et étudier sa position. Pourquoi agir? Quelles procédures lancer? Combien de temps cela va-t-il prendre et combien de frais engendrer? Existe-t-il des alternatives? Autant de questions sur lesquelles il est judicieux de se pencher avant d’entreprendre une quelconque action.

Par Jennifer et Jessica Renevey, JR Droit et Construction

Alors que les procédures d’adjudications deviennent toujours plus exigeantes et que les défis techniques sur les chantiers se multiplient, il n’est pas rare pour les entrepreneurs d’être impliqués dans un litige avec un client ou un fournisseur. Si la réaction instinctive pourrait être celle de recourir immédiatement aux voies légales, il convient de freiner ses ardeurs et faire quelques évaluations préventives. Pourquoi agir? On parle de « lancer une procédure». Mais de quelle procédure parle-t-on ? Dans le cadre des contrats comme les contrats d’entreprise, de mandat, de bail, du travail, des poursuites etc., il s’agit de la procédure civile qui vise à réglementer les litiges relevant du droit civil.
Le procès civil débute dans la plupart des cas par une conciliation obligatoire, réglementée par le code de procédure civile (ci-après: CPC). Cette première étape, qui se déroule en principe avant la procédure judiciaire, donne une chance supplémentaire aux parties de régler leur litige à l’amiable. Ainsi, la procédure au fond est précédée d’une tentative de conciliation, devant une autorité de conciliation.

L’autorité de conciliation va examiner sommairement les conditions de recevabilité de la requête, va la transmettre à la partie adverse, demander éventuellement à la partie adverse de se déterminer, et citer les parties à une audience qui doit avoir lieu, selon le CPC, dans les deux mois qui suivent la réception de la requête ou à la fin de l’échange d’écritures (art. 203 al. 1 CPC). L’art. 203 al. 4 du CPC prévoit un délai maximum de douze mois pour la durée de la procédure de conciliation. La conciliation aboutit soit par une transaction judiciaire qui vaut jugement entré en force, soit en cas d’échec, par une autorisation de procéder (art. 209 CPC). A partir de la remise de ce document, le demandeur bénéficie d’un certain délai, en général 30 jours, pour requérir que l’affaire soit transmise au tribunal civil.

Devant le tribunal civil
Le procès civil prend la forme d’une suite d’actes espacés dans le temps: échange des mémoires, débats, administration des preuves, plaidoiries, décisions, recours. La durée de chacune de ces phases repose sur différents critères comme l’attitude des parties au procès, le recours à un expert ou à des témoins ou encore du type de procédure engagé. L’autorité judiciaire impartira régulièrement des délais aux parties pour la production de pièces, ce qui peut faire perdurer la procédure en cas de mauvaise collaboration des parties. Il faut également prendre en compte la surcharge de travail auquel font face les tribunaux, pouvant repousser la date d’une audience à plusieurs mois. Au vu des tous ces aléas, il est très difficile d’estimer la durée d’un procès civil. Toutefois, il n’est pas rare d’entendre que les procès s’échelonnent sur les années, sans compter la phase de conciliation qui, comme mentionné, peut durer une année.

Le procès civil n’est pas gratuit. Ainsi, avant de se lancer dans une procédure judiciaire, il est prudent de s’attarder sur les frais qu’il faudra engager pour soutenir sa cause. Il faut distinguer les frais judiciaires correspondant aux frais du Tribunal et les dépens qui sont les frais de représentation, comprenant donc les honoraires des avocats des deux parties.

Tout d’abord, à moins que la gratuité ne soit prévue par la loi (litige en droit du bail, en droit du travail si la valeur litigieuse est inférieure à 30’000,– CHF, etc) des frais judiciaires sont perçus par les autorités judiciaires. Afin de couvrir ces frais, le tribunal requiert du demandeur, soit celui qui entend engager la procédure, le paiement d’une avance de frais, en principe, qui correspond à la totalité des frais judiciaires présumés. Le paiement de cette avance est une condition de recevabilité de la demande. Ainsi, si l’émolument n’est pas payé dans le délai imparti, le tribunal, à l’échéance d’un délai supplémentaire, va considérer la demande comme irrecevable, c’est-à-dire qu’il ne va pas traiter l’affaire et qu’aucune nouvelle demande ne pourra lui être soumise.

En tant que frais judiciaires, il ne faut pas négliger les frais découlant de l’administration des preuves (expertise, audition de témoins etc.). Il est important de savoir que chaque partie est tenue d’avancer les frais d’administration des preuves qu’elle demande (art. 102 al. 1 CPC), les cas où le tribunal doit établir les faits d’office sont réservés (al. 3). Si les mêmes moyens sont requis par les deux parties, les frais sont divisés entre elles.
Viennent ensuite les dépens. Ceux-ci visent à couvrir les frais du mandataire de la partie qui obtient gain de cause. En cas de perte de procès, la partie adverse peut requérir des dépens et ainsi obtenir le remboursement des honoraires de son avocat. Par conséquent, la partie qui succombe au procès devra s’acquitter des honoraires de son avocat, de l’avocat de la partie adverse et des frais judiciaires. L’assistance judiciaire, accordée à une personne indigente, si sa cause ne paraît pas dépourvue de toute chance de succès, ne requiert ni l’avance de frais ni le paiement des frais judiciaires. Toutefois, elle ne dispense pas du versement des dépens à la partie adverse (art. 118 al. 3 CPC). De plus, l’assistance judiciaire garantit certes l’accès à la justice mais non sa gratuité. Les cantons comme Vaud et Fribourg demandent le remboursement du montant « prêté», une fois que la situation financière du bénéficiaire le lui permet.

Quelles alternatives?
Le procès civil n’est pas l’unique voie pour obtenir justice. On peut mentionner l’arbitrage. Les parties décident de soumettre leur litige non pas à un juge mais à des arbitres désignés par eux. C’est une solution prisée dans le milieu contractuel, ce d’autant que la sentence arbitrale déploie les mêmes effets qu’une décision judiciaire.

La médiation, en tant que mode de règlement de litige à l’amiable, est également une alternative notamment dans les situations où les parties entretiennent des relations durables. Le médiateur, en tant que tiers externe au conflit sans pouvoir judiciaire, va amener les parties à la discussion.

Le recours à des études de conseils juridiques est également intéressant afin d’obtenir des conseils tant pratiques que juridiques sur les chances de succès et mises en garde d’une procédure judiciaire ainsi qu’une évaluation globale des coûts possibles.

Au vu de ce qui précède notamment des risques financiers en jeux, du temps et de l’énergie que requiert une procédure, la voie de la conciliation à l’amiable, dans un contexte extrajudiciaire est, la plupart du temps, à préconiser.

JR Droit et Construction

Fondée par deux sœurs, Jennifer et Jessica Renevey, l’une architecte et l’autre avocate, le cabinet JR Droit et Construction propose des conseils juridiques et techniques pour tous litiges en matière de droit de la construction, de l’aménagement du territoire et contrats de construction. L’association de compétences, droit et architecture, permet à cette entité – inédite en Suisse en la forme – d’avoir une vision complète dans ces domaines et offrir des conseils pertinents en la matière. Le regard de l’expert architecte directement sur le terrain peut parfois éviter la mise en œuvre d’une expertise judiciaire coûteuse.